DELETE - PRELIMINAIRE





Une nouvelle, nouvelle rencontre entre Rachel Peabody et Dylan Hederson.

Comme d’habitude, les héroïnes que vous allez découvrir dans ce récit ont des vies différentes de celles que vous connaissez déjà.

Et, comme d’habitude, au moment où commence mon histoire, elles ne se connaissent pas.




Delete

Préliminaire



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Malgré la vague de chaleur accablante qui sévissait sur New York depuis deux mois, les cellules situées sous le Palais de Justice avaient réussi à conserver une certaine fraîcheur.

Elles étaient pleines comme elles l’étaient tous les lundis matins quand les commissariats de New York apportaient leurs lots de prévenus arrêtés pendant le week-end.

Certains n’avaient été “serrés” par le New York Police Departement que quelques heures auparavant et ils portaient encore leurs vêtements personnels, généralement composés d’un tee-shirt XXL et d’un jean ample.

D’autres, qui avaient déjà le “privilège” d’être logés et nourris par l’administration pénitentiaire, arboraient l’uniforme carcéral : une chemise et un pantalon en gros coton orange.

Ils étaient tous entravés et attendaient, enfermés dans les «cages» sous la surveillance de policiers gigantesques, de comparaître devant le juge qui allait décider de leur sort pendant les quelques semaines qui les séparaient de leur procès.


*


Ignorant les sifflements admiratifs de quelques gamins avachis sur leurs bancs, Rachel Peabody remonta le couloir qui longeait les cellules.

Les manifestations d’enthousiasme de ces apprentis délinquants étaient amplement justifiées. Malgré leur air blasé de petits caïds, ils étaient subjugués par la beauté de la jeune avocate.

Elle était grande et mince, avec des formes parfaites. De longues boucles brunes tombaient sur ses épaules. Son visage était énergique et doux. Elle posait sur tout et tous le magnifique regard de ses yeux d’un bleu limpide.

Elle aurait pu faire carrière à Hollywood. Mais elle avait préféré les lumières blafardes des postes de police et des salles d’audience.

Elle prit l’escalier qui lui permettait de rejoindre la salle-des-pas-perdus.

Se frayant un chemin parmi la foule qui s’ouvrait devant elle, Rachel entra dans la salle d’audience.

La vaste pièce était saturée par le  murmure de dizaines de conversations.

Les policiers s’interpellaient. Les rares prévenus restés libres discutaient avec leurs avocats de leur chance d’un maintien en liberté sous caution.

Des journalistes, spécialistes des faits-divers, tentaient d’obtenir auprès des greffiers, quelques renseignements croustillants susceptibles d’alimenter la fringale de leurs lecteurs amateurs de sang frais.


*


Rachel vint s’assoir auprès d’un homme barbu qui aurait fait exploser une balance s’il lui avait pris l’idée saugrenue de se peser. Les coutures de sa veste, tendue sur son large dos, semblaient sur le point de craquer.

Il était assis devant une table sur laquelle était posée une pile de fins dossiers.

Rachel le héla joyeusement - Hello Marty ! Bon sang, quel monde ! On se croirait chez Brooks Brothers un jour de soldes !!

- Tu ne crois pas si bien dire. Il y a eu plus de deux cents arrestations !! Pas mal pour un week-end de juillet ! Et malgré cette chaleur !! Mais qu’est-ce que tu fiches ici ? Tu ne devais pas être partie en vacances chez les mangeurs de grenouilles ?

- Je ne décolle pour la France que demain-matin... Avant de partir, je dois impérativement présenter une requête au Juge Dawson pour un de mes clients qui se trouve en détention provisoire. Sa mère est décédée et il veut obtenir une permission de sortie pour se rendre à ses obsèques. Et elles ont lieu dans deux jours... J’ai dû laisser mes valises en plan...

Marty se mit à soupirer - Six années d’études pour en arriver là... À gérer les problèmes domestiques de nos clients... On fait vraiment un métier formidable...

- Arrête de râler. Je te connais... Tu as le métier d’avocat dans le sang...  Tu ne voudrais pas exercer un autre job.

- Tu te trompes. Quand j’étais étudiant, je rêvais de devenir gigolo... Mais avec mon genre de beauté, je n’emballais que les étudiantes myopes et boutonneuses. D’ailleurs, j’ai fini par en épouser une... Mais faisons silence... Voici sa majesté, le juge Jack Dawson...


*


Un homme en robe noire venait en effet d’entrer dans la salle d’audience.

Immédiatement, le public se leva en signe de respect alors que le magistrat prenait place dans un large fauteuil.

D’un signe de tête, il donna l’ordre à l’appariteur d’appeler la première affaire.

Un jeune homme d’une vingtaine d’années apparut entre deux policiers. Marty s’empara d’un des dossiers posés devant lui et se porta à ses côtés.

De l’autre côté de la barre, le substitut du procureur requit le mandat de dépôt eu égard à la gravité des faits. Le prévenu avait été arrêté avec soixante grammes de cocaïne sur lui. Une trop grosse quantité pour constituer sa consommation personnelle comme il le prétendait.

Après un échange assez vif sous le regard las du juge Dawson, Marty obtint le maintien de son client en liberté sous caution en insistant sur son casier demeuré étonnamment vierge.

Resté libre, le prévenu quitta la salle sans un au-revoir, avec un petit sourire goguenard sur les lèvres...

Marty revint s’assoir auprès de Rachel en soupirant... - Ils nous traitent vraiment comme des larbins !!! Même pas un merci !!

- Plains-toi !! Au moins, toi, tu ne te fais pas draguer !! Tu sais bien que c’est le sort des humbles avocats de l’Aide Judiciaire. On ne leur coûte rien... Alors dans leur esprit, on ne vaut rien... Pas même un remerciement...


*


Mais Marty n’eut pas le temps de philosopher car le dossier suivant était déjà appelé par l’appariteur qui hurla : - Dossier 117 !! Ministère Public contre Dylan Hederson !!

Marty s’exclama - Pas une cliente pour moi ça !

En effet, à l’évidence, la femme brune qui entra dans la salle d’audience n’appartenait pas à la population délinquante à laquelle Rachel et lui consacraient leur temps depuis des années.

Elle était très belle. Grande et mince. Un corps d’athlète. Une peau légèrement bronzée. Un visage aux traits purs, au nez droit. Une bouche petite aux lèvres brillantes. Des oreilles délicatement ourlées. Des yeux noisette.

Elle était habillée d’un jean et d’une veste de style militaire sur un tee-shirt blanc. Malgré ces vêtements simples, chiffonnés par les heures de garde à vue, elle parvenait à rester élégante.

Plongée dans un monde qui lui était aussi hostile qu’inconnu, elle tentait de rester digne. De ne pas flancher. Mais on pouvait voir une certaine forme de renoncement dans son regard fatigué.

L’un des deux policiers qui l’escortaient lui ôta ses menottes. Elle se massa les poignets et passa nerveusement la main dans ses cheveux coupés très courts.

Puis, se tenant très droite, elle attendit que le juge lui pose la première question.

Mais ce fut le substitut du Procureur qui prit la parole - Monsieur le Président, Madame Dylan Hederson a été arrêtée samedi dernier. Elle est accusée de meurtre au premier degré sur la personne de Madame Helena DeXeres. Il s’agit d’un crime prémédité, commis de sang froid, et... à main nue... Compte tenu de la dangerosité de la prévenue, je demande sa mise en détention jusqu’au procès.


*


Un frisson parcourut l’assemblée à l’évocation de ce crime atroce qui tranchait singulièrement avec le calme et l’élégance de la jeune femme qui se tenait debout devant le magistrat.

Le juge bougonna - Monsieur le Procureur. Je vous rappelle qu’il s’agit d’un débat contradictoire sur le maintien en liberté ou non de Madame Hederson dans l’attente de son procès. Je vous remercie d’attendre que le Conseil de la prévenue soit présent avant de présenter vos réquisitions...

- Monsieur le Président, Madame Hederson n’a plus de conseil... Elle a elle-même récusé l’avocat qu’elle avait pourtant choisi.

Éberlué le juge s’adressa à la jeune femme - Ah bon ?? C’est exact Madame ?

Elle lui répondit d’une voix douce, assourdie par l’émotion. - C’est exact Monsieur le Président.

- Et pourquoi ça ?

- Mon avocat et moi avions une divergence d’appréciation sur le mode de défense à adopter...

- Je comprends. Toutefois, les faits qui vous sont reprochés sont les plus graves qui soient. Vous avez besoin d’un avocat Madame...

- Je préfère m’en passer Monsieur le Président. De toute façon, je ne pourrai pas le payer.

- Il est hors de question que vous assuriez votre défense toute seule  Madame. Nous ne sommes pas des ogres et dans notre démocratie, les accusés ont droit à la meilleure défense possible. Puisque vous êtes désargentée, je vais vous désigner un avocat qui officie pour l’Aide Judiciaire...


*


Le silence se fit.

Le regard du juge balaya la salle avant de se poser sur Rachel qui, instinctivement, rentra la tête dans les épaules dans l’espoir de se rendre invisible. Mais elle entendit - Greffier, veuillez noter que je désigne Maître Peabody pour assurer la défense de Madame Dylan Hederson.

Rachel se leva et murmura - Monsieur le Président, je devais partir en congé demain... Je n’ai pas pris de vacances depuis plus d’un an...

Mais le juge Dawson la toisa et anéantit ses espoirs - Vous m’étonnez Maître Peabody... Je croyais qu’un avocat aussi expérimenté que vous l’êtes ne confondait plus une salle d’audience avec une agence de voyages... Je maintiens votre désignation... Le procès aura lieu dans trois semaines... En attendant, eu égard à la nature du crime et à l’impossibilité pour l’accusée de fournir une caution, j’ordonne la mise en détention de Madame Hederson. Greffier, appelez l’affaire suivante...

Rachel poussa un soupir. Mes congés tombent à l’eau ! Et en plus je me suis pris une sacrée claque !! Mais aussi, quelle idée j’ai eue de mettre les pieds dans ce tribunal la veille de mon départ !!

Elle jeta un regard légèrement excédé vers la femme qui lui gâchait des vacances pourtant amplement méritées.

Les policiers lui avaient de nouveau passé les menottes et s’apprêtaient à l’emmener.

Leurs regards se croisèrent.

Et Rachel resta interdite.

Car il lui avait semblé qu’une lueur d’espoir avait furtivement brillé dans les yeux noisette.



*


Rachel était assise dans le parloir réservé aux détenus et aux avocats.

Elle attendait sa cliente pour un premier entretien avec elle, avant que Dylan ne quitte le Palais de Justice pour la Prison pour femmes de New York.

Un bloc de papier couvert de ses annotations était posé sur la table. Elle lisait rapidement le mince résumé du procès-verbal d’enquête qu’on lui avait donné. Plus tard, le soir-même en fait, on lui communiquerait le dossier entier, qui ferait plusieurs cartons.

Mais la lecture de ces quelques feuilles était, déjà, profondément déprimante. Il n’y avait rien à plaider là-dedans !! C’était bien la peine d’avoir sacrifié mes vacances !!

Les faits avaient la limpidité de l’eau claire. Toutes les preuves étaient contre Dylan Hederson.

Elles pourraient s’estimer heureuses si le Procureur acceptait un deal. Une reconnaissance de culpabilité, qui éviterait un procès long, coûteux et pénible, contre une peine moins lourde. Peut-être même accepterait-il de requalifier l’assassinat en meurtre au second degré sans préméditation ?


*


Rachel resta songeuse. Elle revoyait ce qui avait dû se passer.

Dylan Hederson avait tué la femme avec laquelle elle avait passé la nuit.

Comme ça. De sang froid. D’un seul coup de poing sec porté à la tempe. Et Helena DeXeres s’était écroulée, morte, à ses pieds.

Après, Dylan n’avait même pas cherché à fuir.

Non, elle était restée là. Elle avait appelé la police. Tout simplement. Elle l’avait attendue calmement.

Quand les enquêteurs lui avaient demandé pourquoi elle n’avait pas appelé un médecin, elle avait répondu qu’elle savait qu’Helena était morte et qu’il n’y avait plus rien à faire.

Rachel grommela entre ses dents. Plus rien à faire !! Plus rien à faire !! Exactement comme dans ce dossier !!


*


Elle entendit un bruit de pas dans le couloir qui menait au parloir. Elle leva la tête.

La porte s’ouvrit. Dylan Hederson entra, accompagnée de son escorte. Elle était toujours entravée.

Les deux policiers la poussèrent vers une chaise.

Ils s’apprêtaient à quitter la pièce quand Rachel les interpella - Vous pouvez lui retirer ses menottes ?!

- Pas question !! Cette bonne femme est dangereuse !! Quand on sait ce qu’elle a fait à sa victime !!

Rachel soupira. - Elle s’appelle Dylan Hederson. MADAME Dylan Hederson. Et elle est présumée innocente. Merci de vous en souvenir... Maintenant, veuillez lui retirer ses menottes. J’en prends la responsabilité...

- Très bien... Très bien... Comme vous voudrez... Après tout c’est votre problème... On reste tout près dans le couloir... Au cas où...

Pour bien marquer leur désapprobation, les deux policiers sortirent en maugréant et en traînant les pieds.

Rachel les ignora. Elle avait déjà repris son bloc de papier et avait recommencé à écrire.


*


Elle tentait de garder son sang-froid.

Mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’éprouver de la peur à l’idée de se trouver seule, enfermée dans cette pièce, avec cette femme dangereuse qui n’avait eu besoin que de quelques secondes pour en tuer une autre.

Dylan était restée debout et l’observait. Elle massait lentement ses poignets que le contact des menottes avait endoloris. Elle avait un curieux sourire sur les lèvres. Celui du fauve jaugeant sa proie ? pensa Rachel.

Mais elle se dit qu’elle ne devait pas paniquer. C’était elle qui menait les débats. Ici, c’était elle qui avait l’autorité. Comme le juge tout à l’heure dans la salle d’audience.

Alors l’ordre claqua - Asseyez-vous Madame Hederson !

Docilement, Dylan prit place sur la chaise. Elle se mouvait avec souplesse, avec aisance. Comme un félin pensa Rachel. Oui. Comme une panthère noire dont elle a la beauté, la force élégante et la... férocité... Bon, faisons les présentations...

- Bonjour Madame. Je m’appelle Rachel Peabody. Et comme vous le savez déjà, je suis l’avocat qui va assurer votre défense... Aujourd’hui, ce n’est qu’un premier contact. Nous serons naturellement amenées à nous revoir et souvent. A vrai dire, comme je devais partir en congés pendant quinze jours, je n’avais pas d’autre dossier criminel en cours. Alors, je vais pouvoir me consacrer exclusivement au vôtre...

- Je suis navrée de perturber vos vacances Maître Peabody...

- Ne le soyez pas... Ce n’est que partie remise...

Rachel se rendit compte de sa bourde au moment même où elle la disait. Elle parlait de vacances alors que Dylan n’était pas près de revoir la mer !

Elle essaya de se rattraper. Elle fut encore plus lamentable - Je suis désolée.... Je n’aurais pas dû vous parler de ça...

Elle vit que Dylan Hederson la regardait avec une lueur amusée dans les yeux - Ne vous excusez pas. D’ailleurs, j’ai cru comprendre que vous aviez bien mérité vos vacances... Mais rassurez-vous, mon affaire ne devrait pas retarder votre départ trop longtemps...

- Pourquoi dites-vous ça ?

- Je ne me fais pas d’illusions Maître Peabody. Pendant ma garde à vue, j’ai eu le temps de tourner et retourner les faits dans ma tête. De quelque façon qu’on les examine, ma culpabilité saute aux yeux... Je vois bien que tout le monde en est persuadé. Les policiers, le procureur, le juge, l’avocat...

- Je viens juste de prendre connaissance de votre dossier... C’est encore un peu tôt pour me faire une idée...

- Je ne parle pas de vous... Mais de celui que j’ai récusé...

- Pourquoi l’avez-vous fait ?

- Il voulait passer un marché avec le Procureur. Une reconnaissance de culpabilité en échange de l’abandon d’une partie des poursuites. J’avouais le meurtre au second degré et je n’en prenais que pour vingt ans. Avec les remises de peine pour bonne conduite, je pouvais sortir de prison au bout de quinze ou douze ans...

- Ce n’était pas un si mauvais marché...

- Reconnaître sa culpabilité est un bon marché... quand on est coupable...

- Et vous ne l’êtes pas ???

- A votre avis Maître Peabody ?..

- Je vous l’ai déjà dit. Je n’ai pas encore d’avis, Madame Hederson... Et d’ailleurs, mon opinion n’a aucune espèce d’importance... Je suis votre avocat, pas votre confesseur... Je n’ai pas à prouver votre innocence. C’est à l’accusation de prouver votre culpabilité... Et à moi de démolir les preuves qu’elle présentera contre vous.

- Mais ça vous arrangerait bien que je plaide coupable, non ??... Ça serait tellement plus simple pour vous. Et même pour moi... Je sais bien qu’avec un procès, je risque le maximum... La réclusion criminelle à perpétuité. Mon précédent avocat me l’a dit...

- Ne parlez pas pour moi, Madame Hederson... Si j’avais voulu que «ça» soit simple, je n’aurais pas choisi le métier d’avocat. Mais puisque vous avez tellement peur de la prison à vie, pourquoi ne pas plaider coupable ?

Dylan passa nerveusement ses doigts dans ses cheveux courts avant de répondre - Bien sûr que j’en ai peur !! Vous n’auriez pas peur vous ??

- Bien sûr que si...

- Je ne veux pas plaider coupable parce que... Parce que je ne suis pas coupable Maître Peabody. Je vous le jure... Je suis totalement innocente des faits dont on m’accuse. Je n’ai jamais fait de mal à Helena... Jamais... Ce n’est pas moi qui l’ai tuée... Ce n’est tout simplement pas moi... Je suis incapable de m’accuser à la place d’un autre... Alors tant pis, même si je dois finir en prison, je refuse de reconnaître un crime que je n’ai pas commis...

- Vous savez qui l’a commis ?

- Non. Je ne sais pas... Je ne sais même pas comment c’est arrivé... Je l’ai trouvée allongée sur la terrasse... J’ai vu l’ecchymose à sa tempe... J’ai pris son pouls. Son coeur ne battait plus. J’ai appelé la Police. C’est tout ce que je peux dire...

- La Police vous a trouvée très calme. Presque indifférente...

- Calme oui. Mais pas indifférente...

- Vous n’avez pas songé à fuir ?

- Pas une seconde... Pour moi c’était un accident. J’ai pensé qu’elle avait eu un malaise et qu’elle était tombée la tête la première... Maître Peabody, je sais bien que défendre un innocent que tout accuse, c’est ce qu’il y a de plus dur, alors, je ne vous en voudrai pas si vous préférez laisser tomber...

- Si je refuse votre dossier, je peux tout aussi bien renoncer à mon métier... C’est d’ailleurs ce qui arrivera... Le Juge Dawson me fera radier du Barreau...

Dylan se mit à rire doucement - Vous êtes comme moi, Maître Peabody. On ne vous laisse pas le choix !! Alors, sachez que je ne ne vous en voudrai pas si vous échouez à me défendre...

- Je ferai tout ce que je pourrai... Je vous le promets...

- C’est déjà énorme... Merci. Merci infiniment Maître Peabody...

Le silence tomba entre les deux femmes. Ni l’une ni l’autre n’osait le rompre.

Un bruit de serrure se fit entendre. La porte s’ouvrit et les deux policiers firent leur entrée. - Désolé Maître Peabody... Mais on doit l’emmener...

- Je sais Messieurs... Je viendrai vous voir demain après-midi Madame Hederson... Entre-temps, j’aurai pris connaissance de votre dossier...

- Merci Maître. À demain... répondit Dylan alors que les policiers lui passaient de nouveau les menottes et l’entraînaient.


*


Restée seule, Rachel pensa à la courte scène qu’elle venait de vivre.

Marty avait raison. Dylan Hederson n’était pas une cliente habituelle.

Elle était belle et intelligente.

Il y avait dans sa voix un tel accent de sincérité que l’on avait envie de la croire. On avait envie de la sortir du pétrin où elle se trouvait.

Surprise, Rachel se rendit compte qu’elle avait aimé cette conversation avec Dylan. Ce moment passé avec elle.

Elle ne regrettait plus ses vacances perdues.

Et, elle se rendit compte que ses appréhensions étaient tombées.

Elle n’avait plus peur de Dylan Hederson.


*


Les locaux de l’Aide Judiciaire étaient sinistres.

La peinture du couloir, d’une couleur qui hésitait entre le blanc sale et le jaune grisâtre, s’écaillait par endroits. Des néons jetaient une lumière rare et clignotante.

Mais Rachel se moquait bien de la pauvreté des lieux. Elle y vivait et y travaillait avec passion depuis des années. Et elle n’enviait pas ses confrères magnifiquement logés dans les beaux immeubles de l’Upper East Side et de Park Avenue.

Le dossier Ministère Public contre Dylan Hederson avait quitté le carton qui le contenait difficilement pour envahir son petit bureau.

Elle en avait éparpillé les feuillets, couverts de grands traits de surligneurs jaunes, roses et oranges, sur sa table de travail, les étagères, les chaises et un petit canapé.

C’était toujours comme ça qu’elle procédait.

D’abord, une première lecture complète du dossier à la recherche de causes de nullité ou d’irrecevabilité.

Puis quand aucun argument de procédure ne pouvait être utilisé, comme c’était le cas en l’occurrence, il restait les faits. Rien que les faits.

Et là, il fallait décortiquer le dossier. Le passer à la loupe. Étudier le moindre petit détail.

Mais après plusieurs heures de ce travail méticuleux, Rachel éprouva un moment de découragement.

Les faits étaient toujours aussi simples. Et ils accusaient toujours Dylan.

Irrémédiablement.


*


Rachel poussa un grand soupir. Quand je pense que Dylan ne veut pas de deal avec le Procureur !! Elle préfère courir le risque qu’un procès. C’est du courage ou de l’inconscience ! Ou, peut-être, tout simplement, l’ultime manifestation de son innocence. Car un coupable prendrait-il le risque d’un procès, qui semble perdu d’avance, alors qu’il pourrait obtenir une sanction plus clémente ??

Elle éprouvait de la colère à l’idée que Dylan puisse être condamnée à perpétuité. Bien sûr, cette colère était normale. Pour un avocat, la condamnation de son client, c’est pire qu’un échec. C’est presque une faute.

Mais, il n’y avait pas que cela. Il y avait... Il y avait... Il y a que je n’ai pas envie que cette femme magnifique finisse ses jours en prison !! Voilà tout !!! Ce serait du gâchis !!! Après tout, il y a un tas de présomptions contre elle, mais aucune preuve vraiment solide !! Et il n’y a aucun témoin !! C’est à moi de susciter le doute dans l’esprit des jurés. Un doute valable. Pour obtenir son acquittement !! Alors il faut que j’arrête de me laisser influencer par ce dossier !! Je vais aller voir Dylan !! Je vais écouter sa version des faits !! Et je vais me battre !! Elle en vaut la peine !!

Rachel s’entendit soupirer de nouveau. Si je ne devais défendre que les gens qui en valent la peine, je serais au chômage... J’espère qu’elle en vaut la peine... Je l’espère... pour moi...


*


Le Rose M. Singer Center, l’une des deux prisons pour femmes de New York, se trouvait à l’intérieur du gigantesque pénitencier de Rikers Island, dans le Bronx. Il épousait très exactement la forme de l’île à laquelle il avait emprunté le nom.

Rachel connaissait chacun des dix centres de détention qui composaient le complexe pénitentiaire. Elle y venait deux à trois fois par semaine depuis qu’elle était avocat de l’Aide Judiciaire.


Pourtant, elle n’arrivait pas à s’habituer au claquement ininterrompu des portes métalliques, au bruit assourdi des voix, à l’odeur chimique qui flottait dans les couloirs, à l’attente devant chaque poste de contrôle.

Mais ce à quoi elle s’habituait le moins était d’être libre et de venir rendre visite à un homme, une femme, qui peut-être ne le seraient jamais plus.

Malgré les années, elle ne pouvait pas s’empêcher d’éprouver un stupide sentiment de culpabilité. Stupide car ce n’était vraiment pas de sa faute si elle se trouvait du bon côté des murs de la prison !!

Oui, elle éprouvait ce sentiment à chaque fois. Mais ce sentiment, jamais elle ne l’avait éprouvé avec une telle force.

Jamais avant aujourd’hui. Jamais avant d’avoir rencontré Dylan Hederson.


*


La prisonnière entra silencieusement dans le parloir. La gardienne referma la porte derrière elle.

Elle avait revêtu l’uniforme des détenues : le pantalon et la chemise de coton orange.

Il émanait d’elle une force, un magnétisme évidents. Mais aussi un charme et une sensualité auxquels Rachel n’était pas insensible. Ce qui eut le don d’énerver la jeune avocate.

Dylan Hederson restait debout attendant qu’on l’invite à s’assoir. Rachel ne put s’empêcher de penser Où se croit-elle ? À la Maison Blanche ? Elle attend qu’un majordome lui avance un siège et lui présente une tasse de thé et des petits gâteaux ? L’ordre claqua de nouveau - Asseyez-vous Madame Hederson !

- Merci. Mais vous pouvez m’appeler Dylan... C’est plus simple.

- Si vous voulez... En ce qui me concerne, je préfère Maître Peabody. Comment s’est passée votre première journée en prison ?

- Plutôt bien... Si on fait abstraction de la chaleur... Les cellules ne sont pas climatisées... répondit Dylan avec un petit rire.

- Pas de problème avec vos co-détenues ?

- Aucun. On m’a mise à l’isolement. Je suis considérée comme une détenue particulièrement dangereuse qui peut tuer d’un seul coup de poing...

- Si vous avez besoin d’un peu d’argent pour cantiner, le service de l'Aide Judiciaire possède un petit trésor de guerre pour aider les prisonniers désargentés...

- Pour cantiner ?

- Acheter des produits à l’économat de la prison. Tampons ou serviettes hygiéniques par exemple...

- Je vois. Mais ce ne sera pas nécessaire... J’avais un peu d’argent sur moi quand on m’a arrêtée... Et j’ai demandé à ma soeur de m’envoyer un mandat...

- Vous avez eu des contacts avec votre famille ?

- Oui. Par téléphone.

- Ils vont bientôt venir vous rendre visite ?

- Non. Je ne veux pas. Je ne veux pas qu’ils me voient ici. Aussi longtemps que je pourrai l’éviter... Je préfère qu’ils conservent une autre image de moi...

- Très bien... Si vous avez besoin de quelque chose, vous n’aurez qu’à me le signaler... Venons-en à votre dossier à présent...

- Il n’est pas bien brillant.

- Disons qu’il n’est pas facile... Alors, on va commencer par le plus simple. On va commencer par parler de vous...

- Ce que vous avez lu dans le dossier ne vous suffit pas ?

- Ce que j’ai lu c’est ce que connaissent déjà les policiers et le procureur. Il m’en faut un peu plus...

- Très bien... Que voulez-vous savoir ?

- Tout ce qui pourra m’être utile ! Vous n’avez aucune crainte à avoir. Je suis soumise au secret professionnel... Alors, commencez par le commencement.

- Je n’ai pas peur. Et... je vous fais confiance, Maître Peabody...


*


Dylan posa ses mains sur la table qui la séparait de Rachel. De longues mains aux doigts fins. De belles mains de pianiste songea la jeune avocate. Pas des mains de tueuse.

Elle prit quelques secondes de réflexion et commença le récit de sa vie. - Je m’appelle Dylan, Alexandra Hederson. Je suis née à Charleston il y a vingt-huit ans...

- Curieux choix de prénoms...

- Dylan, parce que mon père adore le chanteur... Alexandra, parce que ma mère adore... ce prénom !!!

- Parlez-moi de vos parents.

- Mon père est charpentier. Il a une petite entreprise de construction de maisons en bois. Ma mère est institutrice. J’ai une soeur de quatre ans plus jeune que moi. Institutrice elle aussi. De très braves gens. J’ai eu une enfance et une adolescence parfaitement heureuses. Désolée, mais vous ne trouverez rien de ce côté-là...

- Vous êtes lesbienne.

- Ce n’est pas une question.

- Non en effet. Ce n’est pas une question. Ça ne leur a jamais posé de problème ?

- Au début si. Et puis, mes parents ont fini par s’y faire...

- Vous avez pourtant quitté Charleston. Vous avez quitté la Caroline du Sud. Vous vivez à New York. Pourquoi ?

- Parce que New York offre tellement plus de liberté. C’est la ville de tous les possibles...

- C’est un meilleur terrain de chasse ?

Dylan ne répondit pas immédiatement. Le léger sourire apparut de nouveau sur ses lèvres. - Vous le savez aussi bien que moi, Maître Peabody... Et même, mieux que moi... finit-elle par répondre.


*


Rachel sentit qu’elles abordaient un terrain dangereux. Elle fit volte-face. - J’ai lu dans votre dossier que vous étiez une excellente élève au collège... Mais vous n’êtes pas allée à l’Université...

- Non. C’était trop cher. Comme des milliers d’étudiants, j’aurais pu emprunter pour financer mes études... Mais, je ne voulais pas m’endetter. Rembourser un banquier tous les mois pendant trente ans n’est pas l’idée que je me fais de la liberté...

- Pourtant, vous vous êtes engagée dans l’Armée, rétorqua Rachel en posant une photo devant Dylan. La discipline militaire, c’est l’idée que vous vous faites de la liberté ?


Dylan prit la photo. Elle regarda longuement la jeune femme en uniforme qui marchait vers le photographe, souriante et sûre d’elle. Elle s’étonna : - Comment l’avez-vous eue ?

- Elle était dans le dossier que le Bureau du Procureur m’a communiqué. Ils l’ont trouvée chez vous lors d’une perquisition. Ils cherchaient des éléments à charge...

Dylan soupira : - Je vois... Ils sont en train de fouiller ma vie privée. Je présume que je ne dois pas m’en étonner... Pour répondre à votre question, je dirai qu’il n’y a pas de honte à servir son pays en s’engageant dans l’Armée, Maître Peabody... Je donnerais cher pour y être encore plutôt que dans cette prison... Et puis, je n’ai pas vraiment eu le choix. Je voulais devenir pilote d’hélicoptère. Et l’Armée m’en donnait la possibilité. Il suffisait que je m’engage pour huit ans. Je sais. C’est un choix curieux. Mais c’était le mien.

- C’est en effet un choix inhabituel pour une femme...

- J’en rêvais depuis que j’avais vu à la télé un pilote d’hélico sauver des marins dont le navire était en train de faire naufrage dans une mer déchaînée... C’est ça que ce métier évoque pour moi : sauver des vies...

- Pour moi les hélicoptères, ça évoque surtout le film Apocalypse Now...

- C’est vrai ?? Pour moi aussi !! J’éprouve toujours un délicieux frisson quand j’entends le bruit des rotors des hélicoptères au-dessus de la jungle vietnamienne... Quand je vois exploser les bombes au napalm sur les villages vietcongs...

Rachel la regarda horrifiée - Vraiment ??? Vous éprouvez vraiment  ce genre d’émotion devant de telles horreurs ??? réussit-elle à articuler.

Dylan se mit à rire doucement - Mais non, bien sûr que non. Je voulais simplement me moquer de vos préjugés, Maître Peabody. C’était de l’humour. Mais je reconnais que c’était de très mauvais goût...


*


Rachel se sentit stupide et répondit sur un ton agacé - Je vous conseille d’éviter ce genre d’humour avec les jurés. Enfin... Donc vous vous êtes engagée dans l’armée...

- Oui. À 18 ans. En 2002...

- Juste à temps pour partir en Afghanistan et en Irak...

- Juste à temps en effet. Mais avant de rejoindre les troupes en guerre, l’Armée m’a appris à piloter...

- Elle vous a aussi appris le close combat. Vous êtes capable de tuer à mains nues...

- J’en suis capable Maître Peabody. Mais je ne l’ai jamais fait. Même en Afghanistan ou en Irak. Je n’ai jamais tué. J’étais pilote d’hélicoptère pour le service médical de l’Armée de terre. Mon job, c’était de transporter des blessés. Pas de tuer. Mais c’est vrai qu’on m’a appris à le faire. Ou plutôt, on m’a appris à me défendre.

- Admettons. Mais vous avez conscience, je présume, que votre science du combat, ce sera du pain béni pour l’accusation... Le Procureur va exhiber votre photo en uniforme comme un trophée.

- J’en ai conscience Maître Peabody. Je sais que je fais une coupable idéale...

- Idéale en effet... Bon, reprenons... Vous êtes donc restée huit ans dans l’Armée...

- J’y suis restée le temps de mon contrat. Puis je suis partie. J’en avais assez vu...

- Je m’en doute. L’Afghanistan, l’Irak, ce devait être très dur...

- C’était encore pire que ça, Maître Peabody. Voyez-vous, abattre des hélicoptères c’est très facile. On vole à basse altitude et plutôt lentement. Avec leurs lance-roquettes, les talibans nous tiraient comme des cibles à la foire. En Irak, c’était pareil. A chaque fois que je montais dans mon hélico, je me demandais si c’était mon dernier jour sur terre... D’ailleurs, rapidement les pertes ont été si lourdes que le haut commandement a limité les décollages au strict nécessaire. Mais, je ne suis pas restée inactive...

- Qu’avez-vous fait ?

- En janvier 2005, j’ai rejoint les 17.000 soldats américains déployés en Asie du Sud-est pour venir en aide aux victimes du tsunami... J’étais basée au Sri Lanka... J’ai transporté des blessés, mais aussi des médicaments et des vivres...

- Oooh vous étiez là-bas... Vous avez dû voir des choses terribles...

- Vous parliez d’apocalypse tout à l’heure Maître Peabody... Et bien c’était ça. Exactement ça. Et là, ce n’était pas du cinéma...

- Qu’avez-vous fait ensuite ?

- Je suis allée là où l’Armée me disait d’aller. Après l’Afghanistan et le Sri Lanka ce fut l’Irak... Et aussi Haïti après le tremblement de terre de janvier 2010. J’ai participé à des évacuations de blessés vers la Floride... Ce furent mes derniers vols... Après, mon contrat était fini. Alors j’ai quitté l’Armée. Je n’ai pas voulu rempiler pour huit nouvelles années...

- D’autant que l’Armée n’est pas très hospitalière avec les gays...

- L’Armée appliquait une règle simple. Don’t ask. Don’t tell. On ne pose pas de question et on n’en parle pas. Mais évidemment les comportements ostentatoires étaient sanctionnés... Même si j’avais voulu rester dans l’Armée, je n’aurais pas pu vivre ma sexualité comme je l’entendais. De toutes façons, j’avais envie de vivre à New York...

- Et à présent, vous travaillez ici pour un service de secours... Vous avez suivi un parcours étonnant... Vraiment étonnant. Je ne vous cache pas que certains aspects de votre vie pourront vous aider au cours du procès...

- Je n’ai pas besoin de ce genre d’aide Maître Peabody. Je n’ai pas besoin d’attendrir les jurés avec des anecdotes émouvantes parce que... je suis innocente...


*


De nouveau Rachel éprouva de l’agacement face à cette cliente si redoutablement intelligente. Alors, elle lui jeta - Parlez-moi d’Helena DeXeres à présent. Comment l’avez-vous rencontrée ?

- Le plus simplement du monde. Dans une boîte lesbienne. La célèbre animatrice de talk-show avait toute une cour autour d’elle. Mais cette nuit-là, c’était moi qu’elle voulait...

- Et vous vous êtes laissée séduire...

- Pourquoi pas ? C’est plutôt flatteur de plaire à une séductrice... Et puis Helena avait énormément d’humour. Je m’amusais beaucoup avec elle. Et j’avais besoin de m’amuser. Surtout après ce que j’avais vécu en Afghanistan, en Irak, en Asie, à Haïti... Alors, bien sûr que je me suis laissée séduire... Mais ce n’était pas une liaison sérieuse, Maître Peabody. Elle avait d’autres maîtresses... J’ai fait d’autres rencontres...

- Il n’y avait pas de sentiments entre vous ?

- Il n’y avait pas de sentiment amoureux. Notre liaison ne pouvait pas durer. Parce qu’il n’y avait rien d’autre que le... sexe. C’était déjà beaucoup... Mais ce n’était pas suffisant pour qu’elle dure...

- Vous êtes en train de me dire qu’il n’y avait pas d’amour donc pas de jalousie entre vous... Et que, finalement, vous n’aviez aucune raison de la tuer...

- C’est exact...

- Je doute que votre «pacte érotique» avec Helena DeXeres suffise à convaincre un jury... Vous pouviez avoir d’autres raisons de la tuer...

- Lesquelles ?

- Vous pouvez compter sur l’accusation pour en trouver... L’intérêt. La colère... Une rivalité à propos d’une autre femme...

- Je n’ai jamais cherché à être sa rivale. C’était peine perdue. Elle plaisait énormément. Elle n’avait qu’à paraître...

- Je l’ai vue à la télé dans son talk-show. Elle ne m’a pas subjuguée...

- Vraiment ? Alors vous seriez l’exception qui confirme la règle... répondit Dylan avec un léger sourire.



*


L’allusion de Dylan était claire.

Et pour la seconde fois, Rachel sentit qu’elles abordaient un sujet sur lequel elle ne voulait pas s’engager. Sa propre attirance pour les femmes.

Elle cachait toujours soigneusement à ses clients ce qu’elle était. Elle restait totalement professionnelle et dressait une barrière infranchissable entre son métier et sa vie privée.

Dylan ne devait rien savoir car, avec elle, il y avait un danger. Que leurs rapports deviennent ambigus, voire trop intimes. Elle risquait de perdre son esprit critique en s’impliquant affectivement dans ce dossier.

Alors, comme elle l’avait déjà fait, Rachel reprit la maîtrise de la conversation en jetant un glacial - Il y a une seconde exception. Celui ou celle qui l’a tuée...

- C’est juste...

- Vous lui connaissiez des ennemis ?

- Dans son métier, je ne sais pas. Mais elle en avait sûrement... Elle était assez caustique avec les gens qu’elle recevait dans son émission... Et elle avait très envie de réussir. Je présume qu’elle a dû marcher sur pas mal de monde pour y arriver. Mais Helena compartimentait sa vie. Je n’ai jamais rencontré ses relations de travail. D’elle je ne connaissais que sa vie nocturne. Elle et moi étions deux oiseaux de nuit...

- Alors parlez-moi de sa dernière nuit... Essayez de vous souvenir de tout. Des plus petits détails...

- Nous nous sommes retrouvées dans une boîte lesbienne. Le Lady Marlène sur Hudson Street. Nous avons dansé. Elle m’a demandé si je voulais finir la nuit chez elle. J’ai accepté. Nous avons marché jusqu’à son appartement. Elle possède un loft au dernier étage d’un vieil immeuble du Meatpacking District. Arrivées chez elle, nous avons bu un ou deux verres et puis...

Dylan s’interrompit.

- Et puis ?...

- Nous avons couché ensemble...

- Je m’en doutais un peu. Ensuite ?...

- Nous nous sommes endormies... Le lendemain matin, elle s’est réveillée la première. Elle ne m’a pas laissée dormir. Et nous avons de nouveau fait l’amour... Après nous avons bavardé pendant quelques minutes. Puis elle s’est levée pour préparer le petit-déjeuner. Je suis restée couchée en attendant qu’elle revienne me chercher. Mais je me suis rendormie. Tout à coup, je me suis réveillée brusquement. J’ai vu que j’étais toujours seule dans le lit. Helena n’était pas revenue me chercher. J’ai regardé ma montre. Il était plus de dix heures. Je me suis levée. Je me suis habillée. Je suis allée dans la cuisine. Mais elle n’y était pas. Ni dans le living. Alors, je suis allée sur la terrasse. C’est là que je l’ai trouvée. Elle était allongée sur le sol. Je me suis penchée sur elle. J’ai vu la trace d’un coup sur sa tempe. J’ai posé ma main sur son poignet. Il n’y avait pas de pouls...

- Grâce à votre expérience, vous avez immédiatement compris qu’Helena était morte...

- Oui. Mais j’ai gardé mon calme comme j’avais appris à le faire... Ce n’était pas de l’indifférence comme le prétend la police...

- Comment avez-vous pu croire qu’elle s’était blessée à la tempe toute seule ? En faisant une mauvaise chute ? Ça ne colle pas avec l’expérience que vous avez des blessés...

- Je suis pilote d’hélico. Pas médecin ou infirmière... Je suis capable de faire la différence entre un vivant et un mort. C’est tout...

- Après l’avoir trouvée, vous avez appelé la Police.

- Oui. Je les ai attendus. Je n’ai touché à rien. Ils sont arrivés. Et presque immédiatement, ils m’ont arrêtée... Voilà... Je ne peux rien vous dire de plus...

- Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où Helena vous a quittée et le moment où vous avez trouvé son corps ?

- Je ne peux pas le dire avec exactitude... Je m’étais rendormie en l’attendant. Mais je dirais... environ une heure...

- Vous étiez seule avec Helena dans l’appartement ? Il n’y avait personne d’autre avec vous ?

- Nous sommes restées en tête-à-tête tout le temps... C’est tout ce que je peux vous dire... Mais je n’ai pas regardé sous le lit et je n’ai pas fouillé dans les placards...

Cette réflexion fit sourire Rachel - Vous pouvez vous montrer caustique, vous aussi...

- La dérision, c’est tout ce qui me reste... Parce que j’ai l’impression que je ne vous ai pas donné les bonnes réponses...

- Vous avez fait ce que vous avez pu... Est-ce que vous avez une idée de la façon dont elle a été tuée ?

- Je pense que quelqu’un est entré pendant qu’elle préparait le petit-déjeuner et que je dormais...

- Le concierge de l’immeuble n’a vu personne. Et les caméras de surveillance n’ont enregistré aucun passage...

- Alors, je ne sais pas... Finalement, ça doit être moi. Je suis peut-être somnambule... Je l’ai frappée au cours d’une crise et je suis retournée me coucher... répondit Dylan en riant tristement. C’est sûrement une circonstance atténuante Maître Peabody...

- Je préfèrerais trouver quelque chose de mieux... Et je peux vous assurer que s’il y a quelque chose à trouver, je le trouverai Madame Hederson...

- Dylan. Je préfère que vous m’appeliez Dylan...


*


Rachel ne répondit pas. Elle sentait que cette conversation avait quitté le chemin bien balisé de l’entretien entre un avocat et son client. C’était autre chose  à présent.

Dylan le sentit aussi. Elle murmura - Merci Maître Peabody. Merci pour tout ce que vous faites pour moi...

- Vous n’avez pas à me remercier. C’est normal... C’est mon métier...

- Je sais. Mais certains à votre place, n’y mettraient pas tant de conscience professionnelle. Les gardiennes m’ont dit que j’avais beaucoup de chance de vous avoir pour avocat. Que vous étiez l’un des meilleurs de New York qui en compte tant... Je peux vous poser une question ?

- Bien sûr... À chacun son tour... répondit Rachel en riant.

- Pourquoi restez-vous avocat de l’Aide judiciaire ? Elles m’ont dit que vous pourriez travailler dans les plus grands cabinets de la ville. Ou au bureau du Procureur...

- Travailler pour l’accusation ? Pas question ! C’est trop facile ! Ce serait comme bosser pour un rouleau compresseur ! Et je n’ai aucune envie de travailler pour un patron, qu’il soit avocat ou procureur... Mais je n’exclus pas d’ouvrir un jour mon propre cabinet... Je serai seul chef à bord...

- De là à vivre au milieu de la «faune» de l’Aide judiciaire, je trouve ça étonnant... Une femme comme vous...

- Une femme comme moi ? Que voulez-vous dire ?

- Vous le savez très bien... Elégante, raffinée... Belle... On vous imagine défendant les dossiers de multinationales dans de luxueux bureaux sur Park Avenue...

- Ça ne m’intéresse pas... Je suis comme vous... Moi aussi, j’avais un rêve de gosse. Pour vous, c’était piloter des hélicoptères pour sauver des vies. Pour moi, c’était défendre des innocents injustement accusés...

- Diriez-vous que nous sommes pareilles, Maître Peabody ?

Rachel comprit de nouveau l’allusion. Mais, de nouveau, elle évita le piège. - Nos rêves étaient les mêmes...

Elles se turent.

Elles restèrent ainsi pendant quelques longues minutes. Une sorte de charme opérait entre elles.

Timidement, Dylan osa poser sa main, cette main si belle aux doigts si fins, sur celle de Rachel. Mais Rachel brisa le charme et retira doucement sa main.

Puis tout en se levant, elle ramassa la photo de Dylan en uniforme et les feuilles qu’elle avait noircies. Elle appuya sur un bouton près de la porte.  On entendit une sonnerie et immédiatement la porte s’ouvrit. Avant de sortir, Rachel se retourna vers Dylan.

- Je reviendrai vous voir demain. D’ici là, je vais me rendre dans l’appartement d’Helena. J’ai besoin de voir les lieux. Pour me faire une idée...

- Je comprends. Alors, à demain Maître Peabody.

- A demain... Dylan...



*


Rachel avait rejoint Meatpacking District dans le sud-ouest de la presqu’île de Manhattan. Elle avait suivi la High Line, promenade suspendue aménagée sur une portion désaffectée des anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side.

Elle adorait ce quartier avec ses docks, ses petits immeubles aux frontons ouvragés, certains agrémentés de structures métalliques. Tous étaient équipés d’escaliers de secours en fer courant en zig-zag sur les façades.

Elle quitta la High Line en empruntant un des nombreux escaliers qui permettaient aux promeneurs de rejoindre la rue en contre-bas de l’ancienne voie ferrée.

L’immeuble d’Helena DeXeres était tout proche.

C’était un ancien entrepôt en briques, de trois étages, luxueusement rénové. Il avait de larges et hautes fenêtres aux croisées de fer noir.

Rachel l’examina avec attention. Elle savait qu’elle devait faire appel à ses qualités de déduction. Il fallait qu’elle trouve une explication logique au meurtre dont on accusait Dylan !

Elle n’était là que depuis quelques minutes quand elle vit un homme s’avancer vers elle. C’était un très beau noir, grand et fort. Sa veste dissimulait difficilement le revolver qu’il portait à la ceinture.

Ils se sourirent.

- Bonjour Lieutenant Tibbs. Merci d’avoir fait si vite.

- Bonjour Maître Peabody. C’est toujours un plaisir pour moi de voir la défense tenter, en vain, de démolir mes enquêtes. Surtout quand elle a de si jolies jambes... J’avais peur qu’on ait confié ce dossier à Marty. Je serais venu moins vite...

- Pourquoi «tenter en vain de démolir vos enquêtes» ?? Je vais y arriver... J’en suis certaine !!

- L’espoir fait vivre... les avocats... Mais je crains que vous n’en soyez pour vos frais d’éloquence, Maître Peabody. Les faits sont clairs et la culpabilité de votre cliente ne fait aucun doute. Venez, j’ai les clefs du loft de la victime. Je vais vous faire faire le tour du propriétaire...

Ils pénétrèrent dans le hall de l’immeuble, passèrent devant le concierge et empruntèrent un grand monte-charge transformé en ascenseur. Rachel avait immédiatement repéré les caméras de surveillance. Placées comme elles l’étaient, rien ne semblait pouvoir échapper à leur oeil électronique.

Arrivés au dernier étage, ils sortirent sur un palier. Le Lieutenant Tibbs ouvrit une belle porte en bois. Le loft d’Helena DeXeres.

Une vaste pièce aux murs de briques se présenta devant eux. Elle était compartimentée par des colonnes en métal et par des meubles modernes.

La décoration était sobre. De grands tableaux contemporains étaient accrochés  aux murs.

Des livres étaient posés sur une table basse. L’un d’eux était ouvert, une paire de lunettes de lecture servant de marque-page. On aurait dit que la maîtresse des lieux allait arriver, s’installer confortablement dans le fauteuil en cuir blanc et reprendre sa lecture là où elle l’avait abandonnée.

- On a tout laissé en l’état, précisa le Lieutenant Tibbs.

- Je vois. C’est mieux pour se faire une idée...

Rachel continuait à déambuler dans le loft, cherchant derrière chaque objet la solution de cette énigme.


*


Elle entra dans la chambre.

Le lit, ravagé par la lutte sensuelle d’Helena et de Dylan, en occupait le centre.

Elle eut un pincement au coeur.

Elle n’avait pas aimé que Dylan lui raconte sa nuit avec Helena. Mais elle supportait encore plus difficilement d’en voir les vestiges.

- Comme je vous l’ai déjà dit, Maître Peabody, on a tout laissé en l’état. Aaah, elles n’ont pas dû s’ennuyer à voir l’état du lit !! Au moins la victime aura eu une belle nuit. Même si ce fut sa dernière crut bon d’ajouter le Lieutenant Tibbs.

Rachel ne fit aucun commentaire. Elle devait rester professionnelle. Alors, elle continua ses investigations - Où se trouve la terrasse ?

- Sur le toit. On y accède par un escalier métallique en colimaçon. Venez...

Il retournèrent sur leurs pas, dans la première pièce qu’ils avaient visitée. Un escalier rond en fer forgé montait en spirale jusqu’à une ouverture dans le plafond.

Rachel suivit le Lieutenant Tibbs qui lui servait de guide.

La terrasse occupait tout le toit. Dans un angle, on pouvait voir la citerne d’eau, grand cylindre de bois et élément urbain typique de la ville de New York, posée sur ses grandes jambes de fer.

On avait pris soin de recouvrir le sol d’un plancher en teck. Un salon de jardin, en teck lui aussi, attendait qu’on vienne s’y prélasser.

Une silhouette avait été dessinée à la craie sur le sol. Le corps d’Helena DeXeres.


*


Rachel marchait lentement sur la terrasse.

Elle essayait de fixer les lieux dans sa mémoire.

La clef de l’énigme était là. Elle le sentait. L’explication de la mort d’Helena était là. Toute proche.

Elle s’approcha du bord de la terrasse et se pencha. Elle vit la rue en contre-bas. L’escalier de secours en fer forgé apparut devant elle.

Mais le Lieutenant Tibbs tua immédiatement l’idée qui venait de germer dans l’esprit de Rachel.

- Je sais à quoi vous pensez Maître Peabody. Mais... non, le meurtrier n’est pas venu de la rue par là. Je vous rappelle que l’escalier de secours ne descend pas jusqu’au trottoir. Il s’arrête au premier étage. Ensuite, il y a la hauteur de tout le rez-de-chaussée à franchir. Il y a bien une échelle coulissante. Mais elle est à plus de deux mètres du trottoir. Il faudrait être un géant pour pouvoir la saisir. Par ailleurs, il y a une caméra de surveillance sur la façade de l’immeuble. Elle n’a filmé personne.

Rachel regarda autour d’elle. La maison d’Helena DeXeres était entourée d’immeubles de trois, quatre ou cinq étages. Elle ne s’avoua pas vaincue - Et si le meurtrier s’était posté sur le toit d’un autre immeuble ? Le plus proche est à moins de trois mètres...

- Et il aurait sauté à pieds joints au-dessus du vide pour rejoindre Helena DeXeres et la tuer ??? se moqua le Lieutenant Virgil Tibbs.

- Il doit bien y avoir une explication...

- Bien sûr qu’il y en a une, Maître Peabody. Votre cliente a frappé sa maîtresse et l’a tuée.... Bon, vous en avez assez vu ? On peut y aller ?

- Oui. Lieutenant. J’ai fini. On peut y aller.

- Ok. Je présume que vous voulez voir les autres scènes de crime ??

- Les autres scènes de crime ???? Quelles autres scènes de crime ???? s’écria Rachel abasourdie.

- Ah, je vois que vous n’êtes pas au courant. C’est vrai que les avocats sont toujours les derniers informés. Le Procureur va prendre un réquisitoire supplétif. Votre cliente a tué trois autres femmes. Dans les mêmes circonstances et dans le même quartier... Félicitations Maître Peabody !! Vous avez tiré le gros lot !! Votre cliente est une tueuse en série !!!



*


Rachel marchait nerveusement dans son petit bureau de l’Aide Judiciaire, entre sa table de travail et le canapé avachi.

Sa colère montait lentement mais sûrement. Une colère contre Dylan qui lui avait menti et, surtout, contre elle-même, parce qu’elle l’avait crue.

Elle se rappelait les recommandations de ses confrères plus anciens qui parlaient d’expérience. Le pire ennemi d’un avocat est son client. Surtout quand il avait la séduction d’une Dylan Hederson !!

Dylan avait osé protester de son innocence alors que l’enquête du Lieutenant Tibbs démontrait à l’évidence, qu’entre juin et juillet, elle avait commis, non pas un, mais quatre meurtres dans le quartier de Meatpacking District !!!

Des femmes frappées à la tempe et laissées pour mortes sur le balcon ou la terrasse de leur appartement.

Le mode opératoire était toujours le même.

Elle choisissait ses victimes parmi les centaines de femmes, lesbiennes, qui dansaient chaque nuit dans la pénombre du Lady Marlène sur Hudson Street.

Elle les accompagnait chez elles. Des appartements cossus dans le très recherché Meatpacking District. Puis là, elle les frappait. Avant de s’enfuir.

Elle agissait sans laisser de traces. Et sans son dernier crime, la Police ne l’aurait jamais soupçonnée.

C’est le meurtre d’Helena DeXeres qui lui avait permis de confondre Dylan Hederson. Parce que, cette fois-ci, elle n’avait pas fui...

Pourquoi était-elle restée sur place en attendant l’arrivée de la Police ? Sans doute pour mettre un terme à tout ça. A cette rage meurtrière...

Et pourquoi tuer ? Des lesbiennes comme elle ? Seul un psychiatre aurait pu le dire...

Mais Rachel s’en moquait bien !!

Peu lui importait le sort de Dylan !! Elle ne supportait tout simplement pas d’avoir été prise pour une gourde !!

Elle ne supportait pas d’avoir été incapable de voir clair dans son petit jeu. D’avoir été sur le point de succomber à son charme !!

Mais à présent, c’était terminé !!

Malgré sa promesse, elle n’était pas allée la voir dans sa prison. En ce moment-même, Dylan devait l’attendre... Tant pis pour elle !!! Elle l’avait bien cherché !!!


*


Un large visage barbu apparut à la porte du bureau de Rachel.

- Salut Beauté !! Alors on a du vague à l’âme ?

- Marty !! Tu tombes bien !!

- Je tombe toujours bien !!

- C’est vrai !! Mais là, tu tombes  particulièrement bien... Tu peux me rendre un service ?

- Bien sûr tu n’as qu’à parler... Mais si tu veux que je t’épouse, il faudra que tu attendes que je divorce de ma femme ou que je l’étrangle...

- Idiot !! Sois un peu sérieux... Il s’agit de Dylan Hederson...

- Ta tueuse en série ?? Oui, je suis au courant. J’ai lu les supplétifs du Procureur... Ça complique un peu les choses... L’acquittement va tenir du miracle...

- Et je ne sais pas faire de miracles... Surtout quand je ne crois plus à mon client...

- Que veux-tu dire ??  Si on devait avoir foi en nos clients pour les défendre, on ne défendrait plus personne...

- Je veux dire que je ne crois plus rien de ce qu’elle me dit... Elle m’a menti et maintenant, je suis incapable de la croire encore...

- Ça ne constitue pas un handicap, bien au contraire... Tu sais bien qu’un avocat ne doit jamais croire aveuglément son client...

- Oui. Je le sais. Mais j’ai oublié cette règle élémentaire. J’ai fini par croire Dylan Hederson quand elle m’a juré qu’elle était innocente... Et maintenant que je sais qu’elle s’est fichue de moi, je ne me sens plus capable de la défendre. Parce que je me moque totalement de ce qui peux lui arriver...

- Tu ne serais pas la première à qui son client ment. Ils sont persuadés qu’ils doivent nous convaincre de leur innocence pour qu’on arrive à en persuader le jury... Mais il n’y a pas que ça, pas vrai ??? Allez raconte tout à Papa Marty... dit-il en fermant la porte du bureau derrière lui.

Il vint s’asseoir dans le canapé avachi qui poussa un soupir de lassitude.

Rachel hésita mais elle savait qu’elle n’avait pas de secrets pour Marty qui était comme un grand frère. - Dylan a deviné ce que j’étais. Elle a fait des allusions très claires. Et elle en a joué.

- Ça aussi, ce n’est pas nouveau Rachel. Tous nos clients essayent plus ou moins de mettre nos rapports avec eux sur un autre plan... Affectif, amical, voire amoureux. Même avec un type comme moi... qui n’a pas précisément la beauté d’un Brad Pitt ou d’un George Clooney... Si j’avais voulu, j’en aurais emballé plus d’une et même... plus d’un... Mais nous ne devons pas céder... C’est aussi simple que ça... Tu n’as pas cédé, n’est-ce pas ?...

- Non... Pas vraiment... Je lui ai trouvé du charme... Beaucoup de charme... En fait, elle me plaît... Elle me plait énormément même... Elle est si différente des femmes que j’ai rencontrées jusqu’à présent... Il y a chez elle un mélange d’élégance et d’esprit d’aventure... Je crois qu’elle l’a deviné... J’étais prête à me battre pour elle... Et maintenant...

- Et maintenant que tu sais qu’elle est coupable de quatre meurtres, maintenant que tu sais qu’elle a joué de son charme pour que tu soies un brave petit soldat dévoué à sa cause, tu éprouves une sorte de... dépit amoureux et de rejet... C’est bien ça ?...

- Oui Marty. C’est bien ça... Je ne me sens plus capable de lui offrir la défense à laquelle elle a droit... Même si c’est finalement un monstre sous une apparence séduisante...

- Je comprends... Et tu voudrais que je prenne le relais, c’est ça ? Moi je veux bien... Mais que dira le Juge Dawson ? Un avocat commis d’office n’a pas le droit de refuser la défense d’un client. Sauf motif grave... Et ce n’en est pas un. Tu risques la radiation... Il faut que le rejet vienne de Dylan. Il faut que ce soit elle qui te récuse...

- Je sais. Je vais aller la voir demain. Mais avant, je voulais avoir ton accord... Alors, tu veux bien reprendre son dossier ?

- Bien sûr que je veux bien... D’ailleurs en bonne logique, c’est sur moi qu’il aurait dû tomber. Si tu n’avais pas été dans la salle d’audience lundi dernier... Va voir Dylan pour le lui dire... Obtiens qu’elle te récuse... Oublie tout ça !! Et pars enfin en vacances !!!

- Merci Marty. Tu es vraiment un chic type...

- À charge de revanche Rachel... Si un jour, moi aussi, je succombe au charme d’une beauté brune... Mais quel idiot je suis !!! C’est vrai que j’ai déjà succombé !!!


*


Rachel était debout devant la fenêtre du parloir. Elle attendait Dylan.

Pour tromper son attente, elle regardait les prisonnières qui profitaient de quelques minutes à l’air libre dans la cour de promenade.

Certaines tournaient en rond ou marchaient dans un sens puis un autre tout en bavardant avec une co-détenue. D’autres s’étaient installées à l’ombre d’un bâtiment et faisaient des exercices de gymnastique.

D’autres encore s’étaient laissées tomber assises au sol et attendaient simplement que passe un nouveau jour.

De petits groupes s’étaient formés. Des clans, des tribus. Il fallait en faire partie si l’on voulait survivre. L’isolement vous condamnait aux brimades, aux violences, à l’exploitation de l’esprit et du corps...

Ou alors, il fallait être crainte.

Rachel ne doutait pas que Dylan y parvienne.

Déjà, la prison entière devait savoir qu’elle était capable de tuer d’un seul geste. Qu’elle avait déjà tué quatre femmes. Elle faisait partie d’une espèce d’aristocratie du crime. Elle serait crainte et respectée. 

Bien sûr, elle sera assez forte pour se défendre pensa Rachel. Mais pourra-t-elle résister à l’enfermement ?? Quatre murs,  quand on sait qu’on ne pourra jamais en sortir, c’est à vous rendre fou.


*


La porte s’ouvrit et Dylan apparut.

Elle était toujours aussi séduisante malgré l’uniforme carcéral. Mais Rachel pensa que c’était la beauté du Diable et qu’elle ne devait pas y succomber.

Cette fois-ci, Dylan s’assit sans qu’elle l’y invite. Elle semblait abattue. Sans force. Rachel devina aisément pourquoi.

Dylan déposa une liasse de papiers sur la table. Rachel savait ce dont il s’agissait. C’était le supplétif du Procureur qui lui avait été notifié en prison.

Un silence gêné planait sur la pièce comme un nuage d’orage.

Rachel éprouvait à nouveau ce sentiment de peur qui l’avait quittée quand elle avait cru à l’innocence de Dylan. Si le Lieutenant Tibbs ne se trompait pas, elle était seule avec une meurtrière qui s’était fait une spécialité de tuer les femmes d’un seul coup de poing !!

Elle pensa que le meilleur moyen de dissimuler sa peur était de prendre l’initiative. Alors elle se lança. - Bonjour Madame Hederson. Comment allez-vous ?

- Bonjour Maître Peabody. J’essaie de tenir le coup. Je reconnais que ce n’est pas facile. Mais j’ai l’espoir chevillée au corps. Vous n’êtes pas venue hier... Rien de grave j’espère ?

Le ton de Dylan était neutre, sans l’ombre d’un reproche. Elle faisait un constat tout simplement.

- Non, en effet Madame Hederson. Je ne suis pas venue hier... Et je ne viendrai pas demain non plus...

- Pourquoi ? Vous avez trop de travail ?

- Ça n’a rien à voir avec un excès de travail... Je vous l’ai déjà dit... Vous êtes mon seul dossier criminel en ce moment...

- Je m’en souviens... Mais alors... Pourquoi ?

- Si vous l’acceptez, c’est mon confrère et ami Marty Shaw qui s’occupera de votre dossier dorénavant... C’est lui qui viendra vous voir dès demain...

- Votre confrère et ami Marty Shaw ?? Pourquoi lui et pas vous ?? Vous ne voulez plus me défendre ??

- Je vois que vous avez reçu le supplétif du Procureur... Alors, vous savez qu’on vous accuse de quatre meurtres à présent... Vous êtes cataloguée comme une tueuse en série. C’est un trop gros morceau pour moi... Je n’ai pas suffisamment de métier pour vous défendre... Vous comprenez ? Maître Shaw  a dix ans de Barreau de plus que moi. Il a toute l’expérience que demande votre cas...

Dylan se mit à rire - Mon cas ? Vous parlez de moi comme d’une maladie !! Mais que je suis bête !! C’est vrai que les tueurs en série sont des malades psychopathes !!

Rachel ne sut pas quoi répondre. Comme d’habitude l’humour décalé de Dylan la laissait désemparée. Parce qu’il visait juste.

Dylan poursuivit - Je suis considérée comme une tueuse en série ?! Avec seulement quatre meurtres à mon actif !! Ce n’est pas un peu rapide comme promotion ?? Je ne risque pas de faire des jaloux parmi mes petits camarades ? Les Ted Bundy et consorts qui ont dû découper des dizaines de personnes en tranches pour qu’on leur donne la médaille du parfait assassin ??

- Depuis une loi fédérale de 1998, il suffit d’avoir tué trois fois pour être qualifié de tueur en série...

- Vraiment ? C’est presque trop facile...

- Il y a d’autres conditions. Et vous les remplissez toutes...

- Lesquelles ?

- Les meurtres doivent avoir été commis dans des conditions similaires, avec le même mode opératoire... Ici, tout concorde. Des victimes toutes lesbiennes. Le Lady Marlène. Le Meatpacking district. Les coups toujours portés sur la tempe. Les corps abandonnés sur une terrasse ou un balcon.

La panique semblait gagner Dylan. Alors sa voix se fit presque suppliante. - Maître Peabody, je n’ai tué aucune de ces femmes ! Je vous le jure ! Ce qui m’arrive est dément !! C’est un cauchemar !! Il faut que je me réveille !!! Qu’est-ce que je peux dire pour vous en persuader ?? A part Helena, je ne connaissais aucune des trois autres victimes... Est-ce que des témoins m’ont vue avec elles ?

- Non. Mais vous étiez au Lady Marlène en même temps qu’elles. La Police pense que vous avez pu les suivre. Et comme vous n’avez aucun alibi...

- Comme la plupart des femmes qui se trouvaient dans cette boîte cette nuit-là...

- Oui. Mais elles, elles n’ont pas été arrêtées à côté du cadavre, encore chaud, d’Helena DeXeres...

Dylan perdit patience et ne put s’empêcher de hausser la voix. - Mais c’est moi qui ai appelé la Police !! Bon sang, c’est à devenir folle !! J’ai l’impression de me heurter à un mur !! À un mur d’incompréhension !! Moi qui pensais que vous étiez de mon côté, Maître Peabody !!

- Je suis de votre côté Madame Hederson. Mais il y a des choix que je ne peux pas faire pour vous. Vous êtes poursuivie pour quatre meurtres au premier degré, c’est à dire commis avec préméditation. Quatre assassinats. Vous risquez la prison à perpétuité. Si vous choisissez de plaider coupable, je peux tenter de passer un deal avec le Procureur. 10 à 15 ans.

- Au total ?

- Non. Par meurtre. Dans notre pays, les peines s’additionnent.

- 40 à 60 ans de prison... Mon Dieu... J’aurai entre 68 et 88 ans quand je sortirai... Toute une vie enfermée entre quatre murs pour expier quatre meurtres que je n’ai pas commis... Je refuse ce deal, Maître Peabody !! Je refuse de plaider coupable !! Parce que je suis innocente tout simplement. Vous comprenez, Maître Peabody ??? Je suis innocente !!!

- Je comprends parfaitement Madame Hederson. Alors le procès est inévitable. Et je pense sincèrement que vous avez besoin d’un meilleur avocat que moi. Marty est vraiment excellent. Vous devez me récuser et demander sa désignation en mes lieu et place...

Dylan ricana - Mon cas est donc si désespéré ??? Un meilleur avocat que vous ??? Ce n’est pas ce que m’ont dit les gardiennes. Elles m’ont dit que vous étiez l’un des meilleurs avocats de New York. Elles ne m’ont pas parlé de votre ami Marty !!! Dites-moi la vérité Maître Peabody !! Vous ne VOULEZ plus me défendre. C’est ça, n’est-ce pas ? Vous ne VOULEZ plus être mon avocat !!

Rachel sentit qu’elle était au pied du mur.

Dylan l’avait poussée dans ses derniers retranchements.

Mais que pouvait-elle lui répondre ? Qu’elle ne voulait plus la défendre parce qu’elle se sentait trahie ? Qu’elle ne voulait plus la défendre parce qu’elle la désirait et qu’elle commençait à l’aimer ? Et qu’elle ne devait pas aimer et désirer une femme qui était sans doute une tueuse en série ? Parce qu’un tel amour ne pouvait que la conduire à sa propre perte ? Et à la folie...

Alors, elle mentit. - Je n’ai jamais eu ce genre de dossier Madame Hederson. C’est complètement nouveau pour moi... Alors, je sais que je ne serai pas à la hauteur... Personne d’autre ne le sait mieux que moi... Je n’ai pas le droit de vous entraîner dans ce fiasco annoncé... L’enjeu est trop important... C’est de votre vie dont on parle... Alors, confiez votre dossier à Maître Shaw... Je vous assure que c’est la meilleure solution...

Dylan resta silencieuse pendant de longues secondes. Puis la sentence tomba - Très bien Maître Peabody, je vais suivre votre conseil. Je vais vous récuser. Après tout, vous ne serez jamais que le second avocat que je récuse. Je suis persuadée que le jury appréciera...

- Le jury n’a pas le droit de forger sa conviction à partir de ce genre d’éléments...

- Forger sa conviction ? Quelle jolie formule !! Décidément, vous avez beaucoup de talent Maître Peabody... Beaucoup de talent...

- Pas autant que vous le croyez...

Rachel se leva et appuya sur la sonnette destinée à prévenir la gardienne. Elle se tourna vers Dylan. - Je vais vous laisser à présent, Madame Hederson... Je vous souhaite bonne chance. Je suis certaine que ça va très bien se passer avec Marty... J’en suis certaine...

- J’en suis certaine aussi. Merci Maître Peabody. Merci pour tout ce que vous avez fait...

- Ne me remerciez pas... J’ai fait ce que j’ai pu... Mais je ne peux pas faire plus... Alors... au revoir, Madame Hederson...

- Adieu, Maître Peabody.

La porte s’ouvrit. Rachel jeta un dernier regard vers la prisonnière. Elle était toujours assise à la table. Elle regardait fixement le mur devant elle.

Puis la porte se referma sur Dylan. Dans un sourd claquement métallique.


*


Rachel avait consacré les jours qui avaient suivi à oublier cette pénible entrevue.

Elle était bien décidé à reprendre le cours de sa vie là où l’avait laissé. Avant que le Juge Dawson ne la commette pour défendre Dylan.

Et d’abord prendre ces vacances si méritées !! Il n’était plus question de partir en France. Mais la maison de ses parents serait pour elle un havre de paix et... d’oubli.

Alors Rachel avait refait sa valise et à présent, elle roulait vers l’océan au volant de son roadster japonais. Elle avait replié la capote de la petite voiture pour que le vent puisse librement caresser son visage et jouer avec ses cheveux.

Elle laissait New York derrière elle. Le Bronx. Le pénitencier de Rikers Island. Le meurtre d’Helena DeXeres.

Et Dylan Hederson.

Au fur et à mesure qu’elle approchait de la maison de ses parents, elle avait l’impression que ses soucis tombaient de ses épaules.

Elle allait retrouver sa mère. Son père. Se nicher dans leurs bras. Retrouver ses souvenirs d’enfant et oublier tout le reste. Oublier Dylan.

Rien ne pouvait lui faire plus de bien en ce moment que de les retrouver.

Elle sourit. Et se laissa bercer par le ronronnement du moteur.


*


Tout à coup, son portable se mit à sonner. Elle se gara sur le côté de la route et répondit. - Allo ?

- Salut Beauté !! C’est moi Marty !! Alors tu es bien arrivée ??

- Non ! Je suis encore en voiture !! Que se passe-t-il ??

- Rien. Je voulais te dire que j’ai vu ta petite protégée hier et que je passe le plus clair de mon temps à bosser sur son dossier...

Rachel répondit, excédée. - Dylan Hederson n’est pas ma «petite protégée» Marty. C’était ma cliente. Maintenant, c’est la tienne...

- Ok. Ok Beauté... Bon, en tout cas je suis allée la voir... Bon sang, elle me fiche la frousse cette bonne femme !! Pourtant, dans d’autres circonstances, je me la serais bien faite... Enfin, je veux dire si elle n’était pas lesbienne. Et si je n’étais pas uni pour le meilleur et pour le pire à ma chère et tendre !!

- Comment va-t-elle ?

- Ma femme ?? Très bien !! Quant à notre tueuse, je n’en ai aucune idée !! Elle est comme fermée à double tour. Elle ne m’a rien dit de ce qu’elle ressentait. On n’a parlé que du dossier... C’était pas très joyeux... Tu t’en doutes...

- Elle t’a parlé de moi ?

- Non. Pas la moindre allusion. On n’a parlé que de son dossier. Et du refus du juge de nous accorder un délai pour préparer sa défense. Malgré les trois nouveaux meurtres qui nous sont tombés dessus !! Quatre assassinats et on n’a plus que quinze jours pour se dépatouiller avec ça !! Bon sang !! On peut dire qu’elle est cuite !! Même si elle a la chance que la chaise électrique n’existe plus à New York !!

- Tu n’as pas l’air très optimiste...

- Je suis lucide Rachel... Sa culpabilité saute aux yeux !!

- J’ai l’impression d’entendre le Procureur !!

- Merci du compliment !! Ah, au fait, tu avais raison... Il manquait bien une pièce au dossier. Tu es sacrément forte pour t’en être rendue compte au milieu de ces centaines de pages !! T’es vraiment la meilleure !! Enfin, bref, j’ai contacté le Procureur pour exiger qu’il me la fournisse. J’ai dû menacer de venir lui couper les c... Enfin, tu m’a compris. Il a pris un air étonné... Il a prétendu que c’était une erreur du greffe. Il s’est confondu en excuses... Et j’ai eu la pièce...

- Qu’est-ce que c’est ?

- Une expertise balistique. Comme le meurtrier n’a laissé aucun indice pour les trois premiers assassinats, le Lieutenant Tibbs a pensé à un tueur embusqué sur le toit d’un autre immeuble. Un type qui aurait utilisé une arme bizarroïde... Un boomerang. Tu connais ??

- Un peu... C’est une arme australienne. Aborigène. De forme courbe qu’on lance vers une cible. Elle a la particularité de revenir vers le lanceur. Et alors ?...

- Et alors ?... Rien du tout... Il a laissé tombé quand il a agrafé Dylan... De toute façon les plaies sur les victimes ne correspondent pas aux dégâts susceptibles d’être commis par un boomerang...

- Dommage... Dis-moi Marty, tu pourrais envoyer cette expertise balistique sur ma boîte-mail ? Ça m’intéresserait de la lire...

- Je croyais que tu ne voulais plus t’occuper de ta «petite protégée» ? Cette belle ténébreuse te manque tant que ça ??

- Marty !!!! Arrête avec tes allusions lourdingues et tes gros sabots !!! C’est de la curiosité, c’est tout !!!

- Ok. Ok Sherlock !! Je scanne le rapport tout de suite et je te l’envoie !!! Tu pourras le lire en faisant des châteaux de sable !!! Bon. Je te laisse. Bonnes vacances râleuse !!

- Je te rapporterai un seau plein de coquillages !! À bientôt Marty !!

En reprenant la route, Rachel songea que, décidément, le dossier de Dylan Hederson ne voulait pas se laisser oublier.


*


Rachel, assise dans un fauteuil adirondak, profitait de la véranda ombragée de la maison de ses parents.

Le rapport d’expertise balistique avait glissé au sol.

Elle ne s’était pas immédiatement précipitée sur son ordinateur quand elle était arrivée chez ses parents. Elle avait consacré les premiers jours de ses vacances à se ressourcer.

Des gestes tendres avec ses parents. Des fous rires. Des heures passées en cuisine avec sa mère à préparer tartes et gâteaux.

Le bronzage sur la plage, sous un soleil de plomb. Des baignades dans l’océan, Des virées en voilier. Voilà ce qui avait été l’ordinaire de ses premiers jours.

Et puis, un soir, elle avait allumé son ordinateur. Elle avait imprimé le rapport d’expertise balistique.

L’expert avait fait un boulot sérieux. Il était parti d’un postulat simple. Le tueur était posté sur un toit et avait utilisé un boomerang pour frapper les victimes à la tête.

A partir de la position des corps au sol, il avait reconstitué la position des victimes quand elles étaient encore debout. Ainsi, il avait pu déterminer les angles de tirs.

Malheureusement, cette hypothèse se heurtait à un mur infranchissable. Un boomerang ne pouvait pas provoquer les plaies constatées sur les corps. Et surtout, il ne revenait vers son lanceur qu’à la condition de ne trouver aucun obstacle sur son parcours.

En l’espèce, après avoir frappé les victimes, il serait tombé à côté des corps où la Police l’aurait forcément retrouvé.

On en revenait toujours au même point. Le tueur avait frappé ses victimes d’un coup de poing à la tempe.

Et ce tueur était Dylan Hederson.


*


Rachel avait laissé tomber le rapport d’expertise au pied de son fauteuil.

Elle avait pris la photo de Dylan qu’elle conservait au fond de sa poche. Et elle la regardait intensément.

- Jolie femme... Très, très jolie femme. C’est ta conquête du moment ?? Je ne savais pas que tu avais du goût pour les militaires... dit une voix au-dessus de sa tête.

- Papa !! Tu n’as pas honte de jouer les espions ?! répondit Rachel en riant.

- Je ne t’espionne pas ma chérie. Mais je me demandais qui était sur cette photo. Tu semblais si fascinée... Tu la regardes depuis un bon quart d’heure... Qui est cette jeune femme ? Une simple rencontre ?? Ou c’est plus sérieux ???

- Ni l’une ni l’autre, Papa. Elle s’appelle Dylan Hederson. C’est une ancienne cliente. Elle est accusée d’avoir tué quatre femmes depuis le mois de juin. Dans le quartier de Meatpacking district. En les frappant à la tempe.

- Oui. Ça me dit quelque chose. j’ai lu ça dans le journal... Pourquoi dis-tu que c’est une «ancienne» cliente ?

- Elle m’a récusée, Papa. C’est Marty qui s’occupe de son dossier à présent...

- Elle t’a récusée ?? Toi ?? Tu plaisantes ?! Tu es la meilleure !! Ce brave Marty ne fait pas le poids devant toi. Enfin... je veux dire professionnellement...

- Marty est un très bon avocat...

- Il est loin de te valoir. Et tu le sais très bien...

- J’ai dit le contraire à Madame Hederson... Elle m’a crue...

- Mais... pourquoi lui as-tu dit une chose pareille ?!

- Je ne voulais plus m’occuper de son dossier, Papa !! Elle m’a menti !! Elle a protesté de son innocence alors que tout l’accable !! Je ne peux pas faire confiance à quelqu’un qui se méfie de moi au point de me mentir...

- Et si elle disait la vérité ? Si, malgré des éléments accablants, elle était réellement innocente ? Toi, ma chérie, tu la crois coupable ??

- Je n’en sais plus rien Papa. Je passe d’une opinion à l’autre... Parfois je me dis qu’elle est coupable. D’autres fois, je pense à tous les petits détails qui ne collent pas dans son dossier. J’en déduis qu’elle est peut-être innocente... Je n’ai plus aucune certitude...

- Bref, tu as un doute... N’est-ce pas suffisant pour la défendre ?? N’est-ce pas suffisant pour tenter d’obtenir son acquittement ?

- Que veux-tu dire ? Tu me reproches de la laisser tomber ???

- Je ne te fais aucun reproche ma chérie. Mais il me semble qu’un avocat doit tout faire pour éviter qu’un innocent croupisse en prison... Mais c’est à toi de décider. Je ne suis que ton vieux père... Et puis, si elle est condamnée, il te restera toujours sa photo... Mais voici ta mère, ma chérie. Parlons d’autre chose, tu veux bien ?...

Une femme s’approchait d’eux. Elle portait un plateau sur lequel elle avait posé une carafe, un sucrier et trois verres. Elle les apostropha en riant. - Hello vous deux !! J’ai préparé une citronnade pour étancher la soif de mes deux bavards préférés !...

Son mari l’enlaça et déposa un baiser sur sa joue - Merci chérie. Tu es adorable d’être toujours aux petits soins pour nous.

- Merci Maman. Je confirme. Tu es la reine des mamans !! Je la prends sans sucre, merci...

Rachel saisit le verre que sa mère lui tendait.

Tout à coup, elle resta figée, le verre au bord des lèvres, et elle murmura, devant ses parents éberlués, : - Bon sang !! Mais... Quelle bande de cons !..


*


Rachel attendait Dylan avec appréhension.

Elle tentait de prendre un air dégagé. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de pianoter nerveusement sur la table devant laquelle elle s’était assise.

Elle se doutait que son retour allait provoquer, au mieux, son étonnement. Au pire, son rejet.

Elle avait déjà eu à subir les sarcasmes de Marty quand elle lui avait dit qu’elle voulait reprendre le dossier de Dylan Hederson. - Je te l’avais bien dit que tu ne pouvais pas te passer d’elle !! lui avait-il répondu avec un petit sourire narquois tout en levant les yeux au ciel.

La porte du parloir s’ouvrit brusquement.

Ce fut Dylan qui accusa le choc en la voyant. Mais elle se reprit rapidement. - Tiens, tiens... «Maître Peabody, le retour»... s’amusa Dylan devant la mine gênée de Rachel. On m’a dit que mon avocat voulait me voir. Je m’attendais à rencontrer Marty...

- Bonjour Madame Hederson... Et oui. Me revoici ! Vous devez penser que je ne sais pas ce que je veux répondit Rachel en tentant l’ironie.

- Je pense au contraire que vous savez exactement ce que vous voulez, Maître Peabody... Mais je ne suis pas en mesure de vous l’offrir...

- Je ne vois pas à quoi vous faites allusion...

- Vraiment ?? Passons... Qu’est-ce qui me vaut le plaisir de votre visite Maître Peabody ? Vous venez me faire admirer votre bronzage ?..

- Je voudrais revenir dans votre dossier Madame Hederson. Marty est d’accord. Tout dépend de vous...

- Pourquoi ? Pourquoi voulez-vous de nouveau assurer ma défense ?? Je croyais que vous n’en étiez pas capable. Que Marty avait plus de métier que vous...

- J’ai peut-être trouvé quelque chose qui pourrait nous permettre de nous en sortir... Enfin, je ne veux pas vous donner de faux espoirs... Mais c’est une chance à tenter...

- Qu’est-ce que c’est ?

- Je préfère ne rien vous dire Madame Hederson. Je n’ai rien dit à Marty non plus... Il peut parfois manquer de discrétion...

- Vous allez demander un délai pour préparer ma défense ?..

- Non. Je veux prendre l’accusation par surprise. Pour l’empêcher de préparer une riposte... C’est un coup de poker. Il n’y a qu’une chance sur dix pour que ça marche... Mais vous n’avez pas trop le choix...

- Une chance sur dix ?? C’est peu !! Pourquoi devrais-je vous faire confiance Maître Peabody ? Pourquoi me fier à une avocate sans expérience de ce genre d’affaires. Une avocate qui ne croit pas à mon innocence ? Qui se moque bien de ce qui peut m’arriver ? Je n’ai pas envie que vous tentiez des coups de poker avec moi Maître Peabody !! Je ne suis pas un rat de laboratoire avec lequel on peut tenter des expériences !!

- Je ne me moque pas de ce qui peut vous arriver Madame Hederson !! J’essaie de trouver des arguments pour contrer l’accusation !! Pour obtenir votre acquittement !!

- Pourquoi vous donner tant de mal ? Alors que vous pensez que j’ai tué ces quatre femmes ? N’est-ce pas Maître Peabody ? Je le vois à votre attitude. Je le lis dans vos yeux. Ma culpabilité y est écrite. Alors pourquoi cet acharnement à vouloir me défendre ?

Rachel répondit d’une phrase qui semblait sortir d’un cours de Droit pénal - Votre culpabilité est probable, Madame Hederson, mais votre innocence est possible.


*


Incrédule, la bouche sèche, Dylan répéta les paroles de Rachel - Ma culpabilité est probable ??? Mon innocence est possible ??? C’est ce que vous pensez Maître Peabody ?? C’est ce que vous pensez vraiment ??

Rachel s’en voulut de sa franchise. Elle tenta d’atténuer ses propos si dépourvus d’espoir. - Je n’ai aucune certitude... Enfin... je veux dire qu’il y a une place pour le doute, Madame Hederson. Un doute valable. Selon nos lois, aucun accusé ne doit être condamné à moins d’une certitude totale sur sa culpabilité. Mon boulot, c’est de faire naître ce doute dans l’esprit des jurés...

Dylan répondit avec une rage froide, en serrant les poings - Maître Peabody, je vous en prie, arrêtez votre baratin juridique !! Je ne suis pas sur les bancs de la fac !! Vous n’êtes pas mon professeur !! Je ne suis pas votre étudiante... Ainsi, je ne me trompais pas... Pour vous ma culpabilité ne fait guère de doute... Je suis une brute psychopathe qui tue les femmes à coups de poing...

- Ce n’est pas ce que j’ai dit !! Je me réfère aux éléments du dossier... Seuls les éléments objectifs importent... Le reste n’est que suppositions qui ne doivent pas altérer le jugement d’un avocat...

- Cessez de vous cacher derrière de belles phrases !!! Vous me croyez coupable !! Il y a dix jours, vous ne vouliez plus me défendre !! Vous aviez décidé de refiler mon dossier à votre copain Marty !! Alors, les trémolos dans la voix pour me parler de votre métier, ça suffit !! Dites-moi la vérité !! Pourquoi me défendre alors que je vous fais peur ?

- C’est faux !! Je n’ai pas peur de vous !! J’ai défendu des types qui vous auraient dévissé la tête d’une seule gifle !! Qui vous auraient ouvert la gorge sans sourciller !!!

- Oh si vous avez peur !! Vous crevez de trouille. Depuis le premier jour. Depuis la première minute. Quand on nous a enfermées ensemble dans la cellule du Palais de Justice. Je connais la peur. J’ai vécu avec elle. Tous les jours. En Afghanistan. En Irak. Je sais reconnaître ses symptômes. Les lèvres qui tremblent légèrement. La voix qui devient plus rauque. Les pupilles qui se dilatent... On essaie de donner le change mais la peur vous ronge les tripes !!! Alors pourquoi Maître Peabody ? Pourquoi défendre ce monstre dont la bestialité vous répugne ? Pourquoi ? Pourquoi ? Dites-moi la vérité Maître Peabody !!! Donnez-moi vos raisons !!!

Rachel ne supportait pas cette mise en demeure.

Malgré sa peur, bien réelle, elle se rebella. - Sachez que je n’ai pas à vous donner de raisons !! C’est mon métier !! Un point c’est tout !!

- Vous ne voulez pas me répondre parce que vous ne voulez pas entendre une  vérité qui vous effraie...

Rachel répondit en ricanant - Ah oui ?? Vraiment ?? Et quelle est cette vérité effrayante ??


*


Dylan se tut. Tout à coup, elle sentit que sa colère retombait. Elle reprit la maîtrise d’elle-même.

S’adossant au mur du parloir, elle croisa les bras sur sa poitrine. Puis elle répondit lentement, calmement, en détachant chaque syllabe de chaque mot. - J’ai beaucoup réfléchi Maître Peabody. C’est le seul avantage de la prison. On a du temps pour réfléchir. Beaucoup de temps. Peut-être même un peu trop de temps. Je crois que... je vous fascine. Je vous... attire, Maître Peabody. Vous êtes fascinée, vous êtes attirée par une tueuse en série. Un monstre assoiffé de sang et de larmes... Cette fascination, cette attirance vous répugnent. Alors vous avez essayé de me fuir... Mais vous ne le pouvez pas... Et à présent, vous voulez me sauver...

Rachel en eut le souffle coupé - Moi ??? Moi ??? Je suis fascinée ?? Je suis attirée ??? C’est ridicule !!! VOUS êtes ridicule !!! Pire que ça !!! Vous êtes pathétique !!! Vous rêvez si vous croyez que je fais partie de ces avocats qui tombent amoureux de leurs clients !!

- Qui a parlé d’amour ?? Pas moi !! Je n’aurais jamais eu cette prétention... C’est vous qui parlez d’amour, Maître Peabody...

Rachel ignora cette remarque qui la gênait et préféra répondre - Il n’y a rien entre nous !!! Il n’y aura jamais rien entre nous !!! Vous m’entendez ??? Jamais rien !!! Rien que de l’air et les quatre meurtres qui vous cloueront aux murs de cette prison votre vie durant !!

Dylan se mit à sourire. - Vous n’êtes pas très encourageante, Maître Peabody... Vous me voyez déjà condamnée à perpétuité... Pourtant, je croyais qu’il y avait place pour un doute. Un doute valable...


*


Ces quelques mots firent à Rachel l’effet d’une douche froide. Elle se calma dans la seconde et regretta de s’être emportée. Elle avait honte d’avoir prononcé ces mots d’une violence inouïe.

Elle appréciait toute l’ironie triste des propos de Dylan. Elle parvenait à manier l’humour même dans les moments les plus désespérés.

Rachel pensa qu’elle lui devait l’explication qu’elle réclamait. Doucement elle se mit à parler. - Excusez-moi... Mes paroles ont dépassé ma pensée... Parce que... Je ne sais pas où j’en suis avec vous Madame Hederson... Tour à tour, j’ai cru à votre culpabilité puis à votre innocence... J’y ai cru parce que vous aviez réussi à m’en persuader. Parce que le meurtre d’Helena, ça ne pouvait pas être le fait d’une femme comme vous... Parce que les preuves manquaient... Et puis il y a eu les trois autres meurtres. Dans le même quartier et les mêmes circonstances. Ça ne pouvait pas être un hasard. Il fallait bien qu’il y ait un plus petit dénominateur commun entre ces quatre crimes. Et ça ne pouvait être que vous... Alors, je m’en suis voulu d’avoir cru si rapidement à votre innocence. Avec mon expérience des truands new-yorkais, comment avais-je pu me laisser convaincre ?? Mais j’ai pensé que c’est le talent des grands criminels que de réussir à persuader leur avocat de leur innocence !! Je m’en suis voulu et j’étais en colère contre vous... Parce que vous m’aviez dupée... Je ne pouvais plus vous défendre dans ces conditions... Il faut avoir foi en son client, ne serait-ce qu’un tout petit peu, pour pouvoir présenter une défense qui tienne la route... Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’était plus le cas...

- Ce n’est pas ce que vous m’avez dit, Maître Peabody. Je me rappelle chacune de vos paroles. «Vous n’aviez jamais eu ce genre de dossier. C’était complètement nouveau pour vous... Vous étiez persuadée de ne pas être à la hauteur... Vous n’aviez pas le droit de m’entraîner dans ce fiasco annoncé»... Une très belle plaidoirie pour me convaincre de votre incompétence. Mais vous ne m’avez pas convaincue Maître Peabody. Parce qu’une affaire comme la mienne, c’est le rêve de tout avocat... Alors, j’ai compris que vous aviez d’autres raisons...

«Je suis piégée... pensa Rachel. Mais je ne peux pas lui avouer ce que j’éprouve... Ce que j’éprouve vraiment». Alors, elle continua à mentir - Je sais ce que j’ai dit. Je n’en suis pas fière. Parce que... je vous ai menti... Je ne voulais plus vous défendre parce que... je pensais que vous étiez coupable et que vous vous fichiez de moi en me jurant le contraire...

Dylan resta silencieuse quelques secondes. Puis elle soupira - Et à présent, vous croyez à mon innocence ?

- Je vous l’ai déjà dit. Je n’ai aucune certitude. Mais j’ai un doute. Un doute valable. Il me reste à le faire partager aux jurés...

- Mais pourquoi reprendre mon dossier ? Marty pourrait s’en charger...

- Marty est persuadé que vous avez tué ces quatre femmes. Il ne pourra jamais trouver le ton juste... Malgré toute son expérience, il restera comme étranger à votre cause... Et le jury le sentira... Il vous verra avec ses yeux... Je ne peux pas le laisser faire...

- Pourquoi ? Quelle importance après tout ? Il y a tellement d’innocents dans nos prisons... Et vous êtes à moitié convaincue que je suis coupable...


*


Rachel se leva et se dirigea vers la fenêtre. Pendant quelques longues secondes, elle regarda la foule des détenues qui tuaient le temps comme elles le pouvaient...

Quand elle reprit la parole, sa voix était rauque et émue - Pourquoi ? Parce que... Parce qu’il y avait autrefois dans cette ville un avocat, jeune, beau, brillant, infiniment talentueux... Il sortait de la meilleure faculté de Droit du pays. Il avait intégré le plus grand cabinet de New York. Et il gagnait déjà des masses d’argent... Un jour, il se trouvait au Palais de Justice à une audience préliminaire. Il venait d’obtenir le maintien en liberté sous caution d’une sorte de fils à papa richissime... Il s’apprêtait à quitter la salle d’audience quand on fit entrer une jeune femme blonde aux yeux bleus.  Elle était magnifique. Magnifique et... paumée... Elle était dessinatrice et experte en art. Elle travaillait pour une salle des ventes. Elle était accusée d’avoir volé un dessin de Pablo Picasso. Elle niait évidemment. Mais rien n’y faisait. Comme elle n’avait pas d’argent, le juge lui désigna l’avocat de l’aide judiciaire... Comme elle n’avait pas d’argent, le juge ordonna sa mise en détention jusqu’à son procès...

- Ça me rappelle vaguement quelque chose...

- Vraiment ? Quelle mémoire !! Notre avocat, jeune, beau et infiniment talentueux, était immédiatement tombé sous le charme de cette accusée. Il mourait d’envie de se proposer pour la défendre... Mais quelque chose le retint... Et il n’en fit rien... Elle fut assistée par l’avocat commis d’office qui ne croyait pas en elle... Comme elle persistait à nier, comme elle prétendait qu’elle ne savait pas où se trouvait le Picasso qu’on n’avait pas retrouvé, elle fut condamnée. À six ans de prison... Elle ne fit pas appel du jugement. À quoi bon ? Avec le même avocat, elle n’avait aucune chance d’obtenir mieux... Mais pour tout le monde, ce refus de faire appel, ce fut comme un aveu de culpabilité... Je ne m’étendrai pas sur ce que peut être la prison pour une femme jeune et jolie. Et pour les autres aussi d’ailleurs... Curieusement, elle s’en sortit plutôt bien. Elle obtint du directeur du pénitencier le droit de créer un cours de dessin et d’histoire de l’art pour ses co-détenues. Et ça marcha... On la respectait pour ce qu’elle faisait. Pour ces bribes de rêve qu’elle donnait aux autres prisonnières. Et le temps passa...

- C’est pour m’encourager à supporter la prison que vous me racontez tout ça ? Je ne sais pas dessiner. Mais il paraît que j’ai du talent pour la photo... Vous croyez que ça pourrait faire l’affaire, Maître Peabody ??

- Je n’ai pas fini mon histoire, Madame Hederson... Un jour, trois ans après son incarcération, on vint la chercher dans sa cellule. Son patron, celui qui dirigeait la salle des ventes où elle travaillait autrefois, avait été retrouvé pendu dans son bureau. A côté de lui, une lettre adressée à la société qui assurait le dessin de Picasso. Il expliquait que c’était lui qui l’avait volé. Et qu’il avait laissé sa jeune collaboratrice être accusée et condamnée pour un vol qu’elle n’avait pas commis. Avec d’autant moins de scrupules qu’elle avait refusé de devenir sa maîtresse... Mais les remords avaient fini par le rattraper et le submerger. Alors, avant de mettre fin à ses jours, il avait rédigé cette lettre-confession. Sur ses indications, on retrouva le Picasso, caché au fond d’un coffre...

- Quelle histoire !! Vous croyez que moi aussi j’aurai la chance que le meurtrier d’Helena se dénonce ???

- Je ne sais pas... À présent que  l’innocence de la jeune femme crevait les yeux, elle était libre... Libre... Mais pour faire quoi ??? Tant de choses avaient changé pendant ces trois ans... Elle n’avait plus de travail, plus d’amis. Plus de parents. Elle se retrouvait seule... Toute seule... Elle en venait à avoir peur de quitter cette prison où elle était utile à quelque chose. À quelqu’un... Elle avait peur de la liberté. Peur du néant... Et que ce néant ne la mène au suicide...

- Bon sang Maître Peabody !!! Vous pensez sans doute que je ne suis pas assez déprimée pour me raconter une histoire  aussi sinistre ??

Rachel sourit à cette remarque mais continua. - Un matin, on ouvrit la porte de la prison devant elle et on la poussa au dehors. Elle se retrouvait seule avec un sac de voyage qui contenait le peu de choses qu’elle possédait. Quelques vêtements, deux ou trois livres... Elle avait un peu d’argent en poche. De quoi prendre un car pour... quelque part... Elle était là. Se demandant que faire et où aller quand elle aperçut une voiture garée non loin. Elle vit un homme en sortir. Elle ne savait pas qui il était. Elle ne savait pas qu’il était un avocat brillant, infiniment talentueux... Il s’approcha d’elle. Il prit son sac de voyage et lui proposa de l’emmener où elle voudrait. Elle ne sut pas pourquoi, mais elle eut confiance en lui. Peut-être parce qu’il était toujours aussi beau, même s’il était un peu moins jeune. Alors elle lui demanda de la conduire dans un restaurant où elle pourrait prendre un vrai repas. Quelques jours plus tard, ils devinrent amants. Un mois plus tard, ils se marièrent. Il décida de quitter le Barreau. Il avait suffisamment gagné d’argent. Ils décidèrent d’ouvrir une boutique d’antiquités dans une cité balnéaire des Hamptons. Ils parcouraient l’Europe, le monde pour acheter des objets, des tableaux qu’ils revendaient ensuite à de riches new-yorkais. Ils étaient heureux. Parce qu’ils étaient ensemble. Toujours. Tout le temps...

- La prison n’est donc pas une fin... Merci de me l’avoir dit Maître Peabody...

- Non la prison n’est pas une fin. Quand on décide qu’elle n’en sera pas une. Ils étaient mariés depuis deux ans, quand ils eurent le bonheur d’avoir un enfant. Une petite fille qu’ils prénommèrent... Rachel... Cet avocat, c’est mon père... Cette jeune femme, c’est ma mère... Mon père m’a toujours dit qu’il aurait donné n’importe quoi pour pouvoir revenir en arrière. Alors, il se serait avancé dans la salle d’audience et il aurait demandé à être désigné pour assurer la défense de cette jeune femme. Il se serait battu pour elle... Pour que son innocence éclate... Pour qu’elle ne connaisse jamais la prison... Pour que trois années ne soient pas perdues... Pour elle... Pour lui... Vous comprenez mieux pourquoi je veux vous défendre Madame Hederson ? Pourquoi je DOIS vous défendre ? Coûte que coûte...

Dylan se tut quelques secondes. Puis tout aussi émue que Rachel, elle lui répondit - Oui, je crois que j’ai compris Maître Peabody. Maintenant... je suis certaine d’avoir compris...


*


Rachel sourit avec ironie. - Vous êtes certaine d’avoir compris ?... Vraiment ?? Mais qu’avez-vous compris Madame Hederson ?.. Que croyez-vous avoir compris ?.. Surtout, ne vous méprenez-pas... Je ne vous défends pas parce que je serais amoureuse de vous... Ce sentiment n’existe que dans votre imagination qui me paraît extrêmement fertile. Si je vous défends c’est parce que c’est le métier que j’ai choisi. Et j’ai choisi de devenir avocat, pour la seule femme que j’aime. Que j’aimerai toute ma vie... Ma mère... C’est pour elle que je suis devenue avocat de l’Aide Judiciaire et que je le suis toujours... Pour elle, que je refuse les postes que l’on me propose dans des cabinets prestigieux ou au bureau du Procureur... Si elle apprenait que je cesse de vous défendre, elle me regarderait avec étonnement, et je pourrais lire dans ses yeux, au-delà de l’infinie tendresse qu’elle a pour moi, une déception, une peine qui me seraient insupportables... Alors, inutile de songer à autre chose, Madame Hederson. Ce que je fais pour vous, ce que j’ai fait pour tous les truands, petits ou grands, que j’ai défendus, je le fais d’abord pour elle...

- Je viens de le comprendre, Maître Peabody. C’est inutile de me mettre les points sur les i. D’ailleurs, si vous aviez un sentiment quelconque pour moi, vous ne m’auriez pas laissée tomber comme vous l’avez fait. Alors que je risque la prison à vie... Elle soupira. Je m’excuse pour les propos que j’ai tenus tout à l’heure...

- C’est bon... C’est oublié... «Revenons aux fondamentaux» comme disait mon prof de droit civil. Vous êtes la cliente. Je suis l’avocat chargé de vous défendre. Un point, c’est tout. Du moins si vous acceptez que je reprenne votre dossier...

- Bien sûr que j’accepte... Marty manque vraiment trop d’enthousiasme... A part plaider mon «glorieux» passé militaire, le crime «passionnel» ou la folie homicide, il n’a pas masse d’idées... Avec lui comme avocat, je peux tout de suite me mettre à apprendre le dessin et l’histoire de l’art... Ô pardon, Maître Peabody !! Je suis désolée... je n’aurais pas dû faire allusion au sort de votre mère... C’est très maladroit et très indélicat de ma part...

- Aucune importance... Le passé est le passé. Et ma mère n’a aucun problème avec lui. Elle en parle avec beaucoup de détachement. Je dirais même avec philosophie.

- Votre mère a eu beaucoup de chance. Elle a fait une bien belle rencontre...  Votre père...

- Nous en faisons tous, Madame Hederson... Un jour ou l’autre...

- Sans doute... soupira Dylan.

Rachel s’approcha de la porte et appuya sur la sonnette qui appelait la gardienne. - Je vais devoir vous laisser maintenant. Mais je reviendrai demain. Et les jours suivants. Nous devons examiner ensemble certains points de votre dossier. Préparer votre interrogatoire et votre contre-interrogatoire par le Procureur. Nous avons beaucoup de pain sur la planche... Et il ne nous reste plus que sept jours avant le procès...

- A demain, Maître Peabody. Et merci d’avoir changé d’avis. Merci d’avoir repris mon dossier.

- Merci d’avoir accepté que je le reprenne...

Rachel tendit la main vers elle. Dylan s’en saisit et la serra longuement. Jusqu’à ce que la porte s’ouvre. Alors leurs mains se quittèrent en se frôlant.

Rachel sortit du parloir en lui adressant un dernier sourire et en chuchotant «à demain».


*


Rachel était rentrée directement chez elle.

Elle avait pris une douche pour se laver des miasmes du pénitencier de Rikers Island.

Et maintenant elle étudiait les éléments du dossier sur lesquels elle allait bâtir la défense de Dylan.

Ce qu’elle avait du mal à concevoir c’est que personne ne semblait s’être rendu compte de cette faille dans le dossier de Dylan. Cette faille qu’elle allait agrandir pour tenter de la libérer de sa prison.

C’était risqué, elle le savait. Mais elle n’avait pas mieux. Même Marty n’avait pas trouvé mieux.

Heureusement, Dylan lui faisait confiance...

Mais elle se savait capable de réussir. Elle savait qu’elle pouvait convaincre un jury.

Elle était même parvenue à convaincre Dylan !! Puisqu’à force de mensonges, elle avait réussi à lui dissimuler les sentiments que la prisonnière lui inspirait !!


*


Dylan avait regagné sa cellule.

Elle s’était allongée sur son lit.

Elle regardait fixement le carré que la petite fenêtre, creusée dans le mur à deux mètres du sol, découpait sur le ciel bleu.

Elle ne cessait pas de penser à la conversation qu’elle avait eue avec Rachel.

Si elle était condamnée, elle savait bien qu’elle ne ferait jamais de jolies rencontres. 

Ni dehors. Ni en prison.

Il n’y aurait plus jamais de «dehors» pour elle. Sa vie se limiterait aux quatre murs de sa cellule.

Quant à la prison...

Une tueuse en série vivait totalement isolée des autres détenues. Seule dans sa cellule où on lui apportait ses repas. Seule dans la cour de promenade. Seule dans les douches. Et quand elle n’était pas à l’isolement, les autres prisonnières la fuyaient...

Elle n’aurait plus de contacts qu’avec les gardiens et les experts qui viendraient examiner la «tueuse de femmes».

Elle ne verrait plus ses parents. Elle préférerait sortir définitivement de leur vie plutôt que d’être ce boulet à qui il fallait téléphoner, rendre visite et envoyer des colis...

Tout à coup, elle fut prise de panique devant la longue colonne des jours sans fin ni but qui l’attendaient. Des jours tous identiques... Dépourvus d’espoir et suant l’ennui.

Et elle n’avait que vingt-huit ans !! Elle sentit que des larmes coulaient sur ses joues. Elle ne fit rien pour les retenir.

Les mêmes mots revenaient en boucle dans son cerveau. Si je suis condamnée... si je suis condamnée...

Mais au milieu de ses larmes, elle vit l’image de Rachel. Son ultime espoir.

Sa jolie rencontre.


Fin de la première partie


Les aventures de Rachel et Dylan se poursuivent
 dans le récit suivant,
Delete - Verdicts.


*

37 commentaires:


  1. Après les blouses blanches, les robes noires qui vont nous faire découvrir l'univers judiciaire et carcéral américain et, peut-être, nous plonger dans un thriller exaltant.

    Bravo aussi pour la présentation du blog, qui nous permet d'avoir un aperçu de chaque récit de manière simple.

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    1. Bonjour Oscar,

      J'avoue tout Votre Honneur. Les séries Damage, The Good Wife m'ont donné envie d'aborder le milieu de la défense aux Etats Unis.

      Et puis Helena DeXeres est un tel poison qu'il fallait bien, qu'à un moment ou un autre, je la tue !!!! (rires)

      Merci pour la présentation du blog. Je ne recule devant aucun sacrifice pour le plaisir et le confort de mes lecteurs (rires)

      Bon dimanche.

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  2. La tâche de Rachel s'avère fort délicate. Saura-t-'elle garder la tête froide et résister à son attirance pour Dylan ? Celle-ci ne serait-elle pas en train de la manipuler, partant du principe qu'il lui faut convaincre son avocat ? Même si ce récit s'inspire, d'après Gustave, de certains films ou séries télévisées, il reste marqué au coin de l'originalité dans le choix des protagonistes.

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    1. Il faut bien que Rachel succombe, même un tout petit peu, au charme de Dylan pour qu'il y ait une histoire (rires)

      D'ailleurs, j'ai plus d'idées pour les histoires compliquées que pour les histoires simples. La preuve : Little Bis Women où je fais encore du surplace !!! (rires)

      Merci Oscar et bon dimanche.


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  3. Mais oui, les little big women sont en suspens depuis quelque temps déjà et nous avons quitté le Far West pour un univers tout aussi impitoyable. En tout cas, le jeu de la séduction est en marche. Altérera-t'-il la perception que Rachel a du dossier ?

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    1. Vienne et Eva sont en train d'hiberner. Peut-être parce qu'elles sont dans le Montana. Elles vont réapparaître au printemps (rires)

      Bonne lecture Oscar. Bon dimanche et surtout Joyeuses Fêtes de Noël.

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  4. Si Vienne et Eva hibernent pour laisser place aux héroïnes de "Delete", c'est pour la bonne cause. J'espère cependant qu'elles se réveilleront avec la fonte des glaces.

    Pour en revenir à "Delete", Rachel devra se métamorphoser en détective pour venir en aide à son énigmatique cliente, qui porte si bien l'uniforme.

    Joyeux Noël, Gustave

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    1. Moi aussi, j'aimerais bien qu'elles se réveillent !! Ça voudrait dire que mon imagination a cessé d'hiberner elle aussi (rires)

      Mais Dylan est-elle une si bonne cause ??? C'est vrai qu'elle est très séduisante dans cet uniforme. Mais elle a peut-être la beauté du Diable (rires)

      Merci Oscar. Bonne lecture. Bon dimanche. Et surtout très, très bonne année 2013.

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  5. Joyeux Noël Dylan! Gustave.... je voulais dire Gustave!

    Je savais que tu ne portais pas De Xeres dans ton coeur mais de là à l'occire....J'en pleure de rires!
    Ca c'est fait, out l'empêcheuse de tourner en rond.

    Dylan est dans de sales draps, seul lot de consolation ,je suis certaine que l'orange lui va très bien et puis elle a Rachel comme avocate, la prison doit lui sembler plus douce.

    Merci.

    Béa.

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    1. DeXeres c'est la méchante idéale... quand elle est en vie (rires)

      Ici, c'est simplement la victime d'un meurtre. Il fallait bien en inventer un. Et j'ai trouvé plus pratique d'utiliser un personnage que l'on connait bien parce qu'il a déjà beaucoup servi. J'ai aussi pensé à ces paroles du film d'Hichtcock, la Mort aux trousses.

      (..) - Le seul rôle que vous aimeriez me voir tenir est celui du mort...

      - Ce sera votre prochain rôle. Vous y serez merveilleux de naturel (..)

      Quant à Rachel venant rendre visite en prison à Dylan, c'est surtout un délicieux supplice de Tantale. On peut regarder mais pas toucher !!! (rires)

      Bonne année 2013 Béa.

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    2. Au fait j'avais oublié de remercier le Père Noël qui a déposé un commentaire de Béa dans mes chaussons au pied du sapin !!! (rires) Alors, merci Père Noël !!!

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  6. Les circonstances du décès de la maîtresse de Dylan vont être bien difficiles à éclaircir. J'admire le calme olympien de Dylan dans cette situation.

    Bonne année, Gustave et mille mercis pour cette passionnante intrigue.

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    1. Bonjour Oscar,

      Tu as lu ma suite. Alors tu dois te douter que Dylan va perdre son calme olympien (rires) Et que les circonstances de la mort d'Helena s'obscurcissent !!!!

      Le plus beau des mercis ce sont tes commentaires.

      Bon dimanche, bonne lecture et à bientôt

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  7. Voilà un intérieur digne d'un magazine de décoration et merci pour la jolie promenade sur la high line, Gustave.

    Le mystère s'obscurcit considérablement et Rachel doit se sentir bien démunie face aux nouvelles révélations de la police.

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    1. Bonjour Oscar.

      Helena DeXeres est une peste mais c'est une peste qui a bon goût (rires). Euh... "était" une peste !!! C'est vrai qu'elle est morte !!! Et puis elle lisait d'excellents magazines de décoration : Elle déco, Côté Ouest, Idéat... (rires)

      Quant à Rachel, je crois qu'elle a un petit coup de mou, tout à coup !!! (rires)

      Bonne journée et encore merci.

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  8. Ah Gustave tes histoires sont toujours aussi géniales! C'est prenant...J'ai hâte de connaitre la suite.

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  9. Bonjour Clémence.

    Merci. Merci infiniment. Je suis toute rouge de confusion !!! (rires)

    Mais dis-moi tu as des insomnies pour me lire à 1 heure du matin ??? Ou alors tu vis à l'autre bout du monde !!! Dans l'un ou l'autre cas, je suis très heureuse que mes histoires te plaisent.

    Bonne journée ou... bonne nuit.

    A bientôt. A dimanche.

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  10. Toujours aussi captivant tes récits Gustave. J'aime beaucoup le contexte de la prison qui va rendre beaucoup plus difficile leur rapport amoureux. Enfin je dis ça mais je ne peux pas prédire la suite mais je l'espère bien lol.

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    1. Bonjour et merci.

      La prison à perpétuité, c'est comme un long coma. On ne sait pas quand on va en sortir. Surtout aux États Unis, où la perpétuité est réelle. Enfin, je crois. Je ne suis pas une spécialiste de droit pénal américain !! (rires)

      Et puis les parloirs, ce n'est pas le meilleur endroit pour s'aimer !!!

      Bonne journée. Et à bientôt.

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  11. Effectivement, Rachel a un drôle de coup de mou. Parviendra-t'-elle à obtenir de Dylan qu'elle la récuse ? Je n'en suis pas sûre.

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    1. Bonjour Oscar,

      Et oui, même les héroïnes sont fatiguées !!! (rires)

      Moi, je connais déjà la réponse !! (rires)

      A demain.

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  12. Je n'arrive pas à croire que Rachel va abandonner Dylan à son triste sort. Surtout depuis qu'elle la vue dans son bel uniforme.

    Gustave, sors-là de sa prison. Donne-lui une lime pour qu'elle scie ses barreaux. Mais n'enferme pas à vie un si joli soldat.

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    1. Bonjour Oscar,

      Dylan pourrait aussi s'enfermer dans un sac de jute puis attendre que les geôliers la jettent à l'eau. Mais je crois que j'ai déjà lu ça quelque part... (rires)

      Et voilà, il suffit que l'on soit beau pour qu'on vous passe tout !! Même les plus terribles turpitudes !!! (rires)

      Merci Oscar et bon dimanche

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  13. J'avais donc raison : Rachel n'abandonnera pas Dylan à son triste sort et va au moins l'aider avec, peut-être au bout, la liberté. Mais nous n'en sommes pas encore là. En tout cas, merci Gustave, d'avoir répondu à mon appel ou plutôt, à l'appel au secours de Dylan.

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  14. Bonjour Oscar,

    Bravo. Tu avais bien deviné !! Bon c'est vrai que c'était facile (rires)

    Rachel ne va pas abandonner Dylan. Quant à la liberté... Comme tu le dis si bien, nous n'en sommes pas encore là !! Et puis l'amour est peut être une autre forme de prison. Infiniment plus agréable, j'en conviens (rires)

    Mais Rachel et Dylan n'en sont pas encore là non plus !!! (rires) Et d'ailleurs... Mais mystère, mystère et boules de zan... (rires)

    Bonne lecture et bon dimanche.

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  15. Toujours de belles suites, j'adore. J'aime beaucoup le fait qu'on ne connaissance pas les sentiments de Dylan même si on les devine. Merci Gustave.

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    1. Bonjour... Anne 0'nyme. Une vieille famille irlandaise, je présume ?? (rires)

      Ne m'en veux pas si je me moque un peu. Tu peux choisir un pseudo si tu veux. Il suffit de faire défiler la barre qui se trouve sous le cadre réservé à la rédaction des commentaires, en dessous de "Répondre en tant que :"

      En tout cas, je te remercie infiniment de ta gentillesse.

      Dylan est comme un animal pris au piège. Elle ne pense qu'à sa survie. Je crois qu'à sa place mes sentiments amoureux seraient secondaires.

      Mais c'est vrai qu'on les devine pour elle (rires)

      Bonne journée et encore merci.

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  16. Où Rachel essaie, sans grand succès, de conserver un calme professionnel sous les sarcasmes de Dylan... Mais voilà qu'elle s'est trahie en évoquant des sentiments amoureux. De quoi compliquer la situation : le jeu de la séduction peut-il s'accommoder de la vérité ?

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    1. Bonjour Oscar,

      Quelle belle question !!!

      Amour et vérité ?? Quel couple !! (rires) Un couple parfois infernal (rires) Mais l'amour n'est-il pas le plus beau des enfers ?? (rires)

      Bon dimanche et merci.

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  17. Rachel livre à Dylan un récit touchant et plein d'espoir, avec l'histoire de ses parents.
    Je pense aussi qu'elle trahit là ses sentiments à l'égard de Dylan...
    Encore plein de choses passionnantes à venir avec, à la fois, l'évolution des sentiments des 2 jeunes femmes et la défense de Rachel (car nous ne savons toujours l'élément décisif que semble avoir trouvé celle ci...)
    Encore merci Gustave

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    1. Bonjour Stef,

      Rachel t’a entendue (rires) C’est vrai qu’elle en disait un peu trop. Que l’histoire de ses parents risquait de ressembler un peu trop à la sienne avec Dylan. Alors du coup, hop !!, elle rectifie le tir !! (rires)

      Quand je vous dis que vos commentaires influencent le cours de mes récits !!! (rires)

      Quant à l’élément décisif, c’est pour bientôt. Enfin presque bientôt (rires)

      Merci encore et bon dimanche.

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  18. Ouf ! Rachel est à peu près retombée sur ses pieds et ses révélations familiales vont pacifier les relations pendant quelque temps. Et Gustave réussit habilement à retarder le moment où elle livrera sa découverte. Bon, je vais voter.

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    1. Bonjour Oscar,

      Rachel est un très joli félin. Alors, c’est normal qu’elle retombe sur ses pattes (rires)

      Quant à la «lumineuse» idée de Rachel pour tenter de sauver Dylan, je la garde pour le récit suivant : Delete - Verdicts !!!

      Eh oui. Il faudra encore patienter un peu (??) pour savoir comment Helena DeXeres a été tuée et surtout... par qui ???? (rires)

      Merci Oscar et bon dimanche.

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  19. Gustave continue à jouer avec nos nerfs en reportant la découverte de Rachel qui pourrait innocenter Dylan. Il nous faudra encore patienter quelques épisodes, je le crains. Quant à Dylan, elle n'est pas loin de craquer.

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    1. Bonjour Oscar,

      Il faut bien que je garde quelques biscuits pour les semaines prochaines (rires) Ou quelques oranges. C'est plus adapté à la prison (rires)

      Quant à Dylan, normal qu'elle craque. Vivre seule pendant le reste de ses jours, c'est insupportable. Surtout après avoir rencontré Rachel.

      Merci encore et à bientôt.

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  20. Tu es une experte en "je mets sur le grill mes lecteurs".

    Quelle est donc cette idée qui pourrait sauver Dylan?

    Une remarquable cachotière Rachel, elle pratique l'art du "vas-y que j' t'embrouille" avec talent. Dylan ne peut pas deviner les sentiments qu'elle lui inspire et quand elle ose en parler, elle se prends une claque magistrale. Des claques, la prison, pauvre Dylan....Euhhh, à la réflexion, pas si à plaindre que cela, elle connaît Rachel!

    Merci.

    Béa.

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    1. Bonjour Béa,

      Je ne suis pas une fanatique de la cuisine au grill.

      Je préfère la cuisine mijotée, cuite longuement et à petit feu. Un peu style supplice chinois (rires)

      C'est aussi ce que Rachel fait subir à Dylan... (rires)

      Merci et bonne lecture.

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